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dans le génie comme dans les traditions du peuple italien ; par malheur aussi, tout ce qui peut faire avorter une pensée pratique et féconde d’indépendance se retrouve dans ces mêmes traditions, de telle sorte que l’Italie, toujours en flagrant délit d’insurrection morale contre ses maîtres, n’est jamais plus près de quelque catastrophe que lorsqu’elle se sent le plus entraînée à quelque revendication suprême. Les révolutions de 1848 ne sont qu’une péripétie nouvelle de ce drame permanent qui se déroule depuis douze siècles au-delà des Alpes. En ces années qui sont à peine derrière nous, l’Italie a vu ses populations et ses princes s’unir dans un même sentiment de régénération ; elle a vu son réveil intérieur inauguré par un pape et son indépendance nationale mise au bout de l’épée d’un roi patriote. L’Europe elle-même a vu sa vieille organisation se décomposer un moment et ses vieux pouvoirs tomber en faiblesse. Il s’est trouvé un espace de temps durant lequel toutes les lois constitutives de la société européenne ont été suspendues comme pour rendre tout possible. Qu’en est-il résulté ? Rien n’a été fait, si tout fut tenté. Les vieux liens se sont renoués et resserrés. Naples, Rome, Florence, ont rétrogradé bien au-delà de 1847, tandis que le drapeau levé dans les plaines lombardes rétrogradait de Goïto à Novare. Et de ce roi qui a été un instant la personnification guerrière de l’indépendance italienne, que reste-t-il aujourd’hui ? Lu tombeau dans la basilique de Superga, sur les coteaux qui dominent Turin.

Ces faits ont assurément une explication naturelle, qui n’est point l’obstination d’un capricieux hasard à se jouer des vœux d’une race ingénieuse et brillante. Il n’y a que les esprits étroits et fanatiques qui imaginent imposer à la réalité la dictature de leurs rêves, prétendent tout ramener à leurs combinaisons occultes, et, après avoir tout empêché et tout perverti, expliquent par les surprises ou les trahisons vulgaires les désastres qu’ils ont provoqués. La vérité est que les révolutions dernières de l’Italie sont une vaste mêlée où viennent se résoudre dans des conditions agrandies toutes ses aspirations généreuses, toutes ses tendances, tous ses antagonismes, comme aussi toutes ses passions et toutes ses erreurs. Et dans cette lutte, une fois encore ce sont les impossibilités qui remportent. Tous les dissolvans se réunissent, l’explosion des passions révolutionnaires vient rompre l’union des populations et des princes, l’esprit de secte suit à la trace l’esprit d’indépendance pour le harceler ou l’asservir ; le génie, le fatal génie des divisions sort tout armé de cet ardent foyer et se promène de Naples à Milan, de Rome à Florence. La fortune de l’Italie n’a un moment d’autre refuge qu’un camp, et c’est ce qui donne à l’intervention du Piémont dans les affaires italiennes un prestige que ses défaites n’ont pu détruire. Le Piémont après tout, dans cette confusion