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nécessaire pour fixer ses résolutions, pour lui donner la force de se défendre contre les obsessions dont il était entouré.

Cet état de choses donna naissance à une combinaison fort singulière dont sir Charles Stuart rendait compte en ces termes à lord Castlereagh le 1er janvier 1816 :


« La certitude qu’il existait une intrigue soutenue par les princes pour amener par leur influence le retour de M. de Blacas a engagé le duc de Wellington à en parler à M. Pozzo di Borgo et au duc de Richelieu dans les diverses communications qu’il a eues avec eux la semaine dernière sur les affaires publiques. Le premier a paru comprendre très bien les raisons qui militent en faveur du retour de M. de Blacas ; mais, n’ignorant pas que cette mesure serait peu agréable à l’empereur de Russie, il a suggéré la convenance d’un délai de six semaines pour qu’il eût le temps de recevoir des instructions à ce sujet. Les objections de M. de Richelieu sont plus décisives, et il n’hésite pas à dire que ses ennemis prendraient avantage de l’impopularité qu’on avait soulevée contre M. de Blacas pour renverser le ministère qui se hasarderait à conseiller son rappel… Sachant avec certitude que le parti du pavillon Marsan et celui de M. de Talleyrand sont décidément d’accord sur l’opportunité de ce rappel, j’incline à penser que l’opinion de M. de Richelieu, appuyée comme elle peut l’être par la Russie, ne prévaudra pas sur ce qu’on sait être le désir du roi à ce sujet. Le prince de Talleyrand m’a dit hier en effet qu’à moins que le retour de M. de Blacas ne vienne donner aux sentimens du roi la force et l’énergie qu’il considère comme absolument nécessaires dans les circonstances actuelles, non-seulement il déclarera, avec tous ses amis, qu’il ne consentira en aucun cas à reprendre des fonctions officielles, mais qu’avec M. de Jaucourt et quelques autres qui sont attachés à sa fortune, il quittera le pays et voyagera pendant quelques années. »


Pour comprendre tout ce qu’il y avait d’étrange, on pourrait dire de scandaleux dans cette coalition du prince de Talleyrand et des ultra-royalistes travaillant de concert à ramener M. de Blacas, il faut se rappeler que M. de Talleyrand, collègue de l’ancien favori dans le premier ministère de la restauration, s’y était montré son constant adversaire, qu’au retour de Gand, c’est-à-dire il y avait à peine six mois, Louis XVIII avait dû opter entre eux, et qu’enfin quelques semaines seulement s’étaient écoulées depuis que le cabinet présidé par ce même M. de Talleyrand était tombé sous les attaques du parti auquel il s’unissait maintenant dans l’espoir de renverser M. de Richelieu.

La situation s’aggravait de jour en jour. M. de Richelieu et ses collègues, poussés à bout par les attaques de la majorité de la chambre introuvable, s’étaient enfin décidés à lui tenir tête, et avaient planté leur drapeau dans les rangs de la minorité. Ils luttaient courageusement, mais ils éprouvaient échec sur échec. Sir Charles Stuart, dans une nouvelle lettre du 29 janvier, les présentait comme hors d’état de faire prévaloir leur avis dans aucune des