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scrupules de ses collègues. Nous avons vu comment fut définitivement rédigée cette déclaration, qui leur causait tant de soucis ; lorsque lord Liverpool en connut le texte, il s’en montra satisfait. Cette grande affaire était donc terminée. La France était rentrée dans la plénitude de son indépendance, elle avait même repris dans les conseils de l’Europe le rang qui lui appartenait. Certes il eût été difficile, trois ans auparavant, de lui prédire une aussi prompte résurrection. Le roi devait s’applaudir de la politique qu’il avait suivie, et le duc de Richelieu, qui venait d’apposer son nom à des actes si honorables et si utiles, que les souverains et les ministres étrangers avaient comblé des témoignages de leur estime et de leur confiance, le duc de Richelieu semblait pouvoir compter sur un long avenir de puissance, qu’au surplus il désirait peu. Les choses tournèrent tout autrement.

Le congrès d’Aix-la-Chapelle n’était pas encore terminé, que déjà les nuages s’amoncelaient sur l’horizon de la France, naguère si serein. Une crise financière, conséquence naturelle de la surexcitation factice qu’on avait imprimée pendant quelques mois au crédit public renaissant, mit le gouvernement français dans l’impossibilité d’accomplir aux termes fixés les derniers paiemens qui étaient la condition de la libération du territoire. Comme cette impossibilité provenait évidemment de circonstances imprévues et indépendantes de sa volonté, d’une véritable force majeure, comme d’ailleurs sa solvabilité n’était pas douteuse et que quelques délais assez courts devaient le mettre en mesure de satisfaire à ses engagemens, les alliés, dans leur intérêt comme dans le sien, s’empressèrent de les lui accorder. Ainsi cet embarras, dont le gouvernement français s’était vivement préoccupé, ne tarda pas à disparaître ; mais des difficultés politiques d’une tout autre gravité surgissaient en ce moment.

Pendant la durée même du congrès d’Aix-la-Chapelle, des élections avaient eu lieu en France, pour le renouvellement d’un cinquième de la chambre des députés. C’était la seconde application de la loi électorale votée près de deux ans auparavant, et cette nouvelle épreuve n’avait pu qu’aggraver les inquiétudes que la première avait déjà éveillées dans certains esprits. Cette fois encore, les rangs du parti ultra-royaliste avaient été fort éclaircis, et si les choses continuaient de la sorte, on pouvait prévoir le moment où il aurait à peu près disparu de l’assemblée populaire. Par malheur, à la place de ces amis compromettans, les collèges électoraux d’un trop grand nombre de départemens avaient envoyé des ennemis déclarés du trône, des révolutionnaires dont le nom et les antécédens étaient pour la royauté et pour l’Europe monarchique un véritable sujet d’effroi. À Paris même, le gouvernement n’avait pu qu’à grand’peine éviter la