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qui commençait, il y a trois mois, par le vote de l’emprunt de 250 millions, et qui vient de finir par le vote du budget. Dans cet intervalle, quels ont été les travaux du corps législatif ! Un rapport récent de son président le dit. Deux cent dix-neuf lois ont été votées. Deux cent dix-neuf lois ajoutées à nos codes ! Ce serait beaucoup, si la plupart ne se rapportaient uniquement à désintérêts locaux. Il en reste cependant un certain nombre qui touchent aux questions les plus sérieuses et règlent des intérêts généraux. Au premier rang est la loi sur l’instruction publique, qui a pour but, comme on sait, de remplacer les quatre-vingt-six académies qu’avait créées la loi de 1850 par seize académies nouvelles, foyers plus concentrés d’action intellectuelle. Le droit de propriété littéraire a été aussi consacré de nouveau et étendu. Dans un autre d’ordre d’idées, le corps législatif a sanctionné par une loi l’abolition de la mort civile, et a vous un projet sur l’exécution de la peine des travaux forcés, substituant le système des colonies pénitentiaires au régime des bagnes supprimés. L’agriculture a sa part dans le contingent législatif par la loi sur le libre écoulement des eaux au moyen du drainage. À ces divers travaux viennent se joindre toutes les lois de finances. Des discussions nombreuses et instructives ont certes donné la preuve que le savoir et les lumières ne manquent point au corps législatif pas plus qu’aux assemblées précédentes de la France. M. Billault y ajoute l’assurance de l’efficacité complète du droit actuel de contrôle et d’amendement. Nul n’a plus déraisons que lui de savoir toutes les conditions nécessaires pour l’efficacité de l’action législative. C’est surtout dans les finances aujourd’hui, il nous semble, que cette action peut s’exercer utilement. Il n’y a point de place pour les passions dans les débats de chiffres, et il peut y avoir profit pour le pays, en face du surcroît de charges qu’imposera nécessairement une longue et laborieuse guerre. Le corps législatif a voté à l’unanimité le budget, puis il a disparu modestement, comme il avait commencé et comme il a vécu, participant peu des passions du dehors et ne leur offrant à son tour aucun aliment.

Sans bruit aussi, et d’une manière, tristement définitive, viennent de disparaître de cette société française qu’ils ont honorée deux hommes éminens à divers titres, l’amiral Baudin et M. Vivien. Vaillant homme de guerre, nature énergique, pleine de patriotiques instincts et faite pour le commandement, l’amiral Baudin s’était illustré par quelques-uns des plus remarquables faits d’armes de notre temps, notamment par la prise de Saint-Jean d’Ulloa. Il avait fait plus en 1848 : dans le désordre immense de l’époque, il avait sauvé de toutes les contagions la flotte de la Méditerranée, en l’animant de son esprit. Livré à lui-même devant Naples, au plus fort des révolutions italiennes, il avait su, avec une sagacité rare, distinguer les vrais intérêts de la France, et ne les avait point laissé compromettre, même par les agens républicains officiels, qui imaginaient peut-être se servir de son escadre pour proclamer la république dans le royaume des Deux-Siciles. Il y a peu de jours encore, l’amiral Baudin venait de recevoir la première dignité de l’armée navale, ce grade d’amiral qu’il n’a pu porter que devant cet inexorable ennemi, la mort. Ce n’est point dans ces scènes de guerre qu’a figuré M. Vivien. Acteur de la vie politique, ministre, conseiller d’étal, administrateur, partout il avait laissé voir un caractère éprouvé et un esprit plein de terme loyauté. Il