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rapport avec Byzance. D’un autre côté, les empereurs, qui ne cessaient de regretter la possession de l’Arménie, favorisaient de tout leur pouvoir ces tendances et se montraient empressés à soutenir toutes les tentatives de révolte dont ils espéraient profiter. C’est alors que les Sassanides entreprirent de proscrire l’usage et l’étude de la langue grecque en Arménie, firent rechercher et brûler tous les livres écrits en cette langue, et recoururent à la violence et à la persécution pour y détruire le christianisme et le remplacer par la religion de la Perse, le culte du feu. Atteinte dans sa foi et ses affections les plus chères, la nation se leva comme un seul homme à la voix de ses évêques et de. ses prêtres, et sous la conduite d’un héros, Vartan, essaya de tenir tête aux armées du grand-roi. Dans cette lutte inégale, les Arméniens finirent par être accablés, mais après avoir su se rendre redoutables, et avoir obtenu une capitulation qui leur assurait la liberté de conscience et de leurs goûts littéraires.

Lorsque les Arabes, entraînés par cet esprit d’enthousiasme religieux et guerrier que Mahomet avait su leur inspirer, sortirent de leurs déserts pour se précipiter sur l’empire grec, et lui enlevèrent deux de ses plus belles provinces, la Syrie et l’Egypte, la monarchie des Sassanides était livrée à l’anarchie et au désordre ; elle ne tarda pas à succomber sous les coups de leurs armes victorieuses. Comme la Perse, l’Arménie passa sous la domination des khalifes, qui en confièrent le gouvernement à des préfets (osdigans) investis d’une souveraine autorité. Suivant le témoignage unanime des historiens contemporains, ces officiers signalèrent leur administration par des exactions sans nombre, par leurs rigueurs envers les chefs arméniens, qu’ils condamnaient à l’abjuration ou à la mort, ou qu’ils envoyaient gémir dans les cachots de Bagdad. Les populations, auxquelles la domination musulmane était odieuse, essayèrent plus d’une fois de se soulever : les troupes arabes, surprises avec le général qui les commandait par les montagnards du Taurus, furent massacrées ; mais ces mouvemens étaient aussitôt comprimés, la résistance était impossible contre les puissantes armées des khalifes.

Une des familles satrapales qui possédait dans la haute Arménie de vastes domaines, et qui, à cause de son ancienneté et pour prix des services qu’elle avait rendus au pays, jouissait d’une haute considération et d’un grand crédit, la famille des Bagratides, chargée à différentes reprises, du temps des Perses, de la direction des affaires publiques, continua sous. les Arabes les mêmes fonctions. Un des membres de cette famille, Aschod, gouverna pendant vingt-cinq ans l’Arménie avec tant d’habileté et de sagesse, et sut si bien se concilier l’estime et les bonnes grâces des Arabes, que le khalife Motewakkel lui décerna les honneurs de la royauté et envoya un des