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nation à laquelle ces livres sont destinés. Les grammaires de la langue arménienne antique, la langue savante et liturgique, ou des principaux idiomes de l’Europe moderne, et même du latin, y figurent pour une part très considérable. Le goût des langues est en effet très répandu parmi les Arméniens, et ils possèdent à un degré éminent cette faculté de se les assimiler et de les parler avec facilité, qui est aussi un des traits distinctifs de la race slave, et qui tient sans doute à la richesse de leur alphabet, qui emploie presque toutes les touches de l’organe vocal : Dans cette liste, les grammaires françaises sont les plus nombreuses, comme on doit s’y attendre, d’après ce que j’ai dit de l’attrait qui pousse les Arméniens à l’étude de notre langue et de notre littérature.

Les traités de théologie, les livres de piété, soit en original, soit en traduction, y entrent dans une large proportion. Par ces publications, les mekhitharistes se sont proposé de se conformer à la pensée fondamentale de leur institut, et de satisfaire les instincts essentiellement religieux de leur nation.

Les sciences mathématiques et les sciences morales sont aussi représentées dans cette nomenclature, mais par des traités élémentaires ou simplement didactiques, empruntés pour le fond, et quelquefois pour la forme, aux ouvrages composés sur les mêmes matières et les plus accrédités en Europe et surtout en France. L’arithmétique, l’algèbre, la géométrie, la nautique, les tables de logarithmes, la physique, l’astronomie et la géographie, la médecine, la philosophie et la rhétorique forment ce contingent. On voit que dans ces parties des connaissances humaines les Arméniens n’ont pas encore franchi les limites d’une instruction de premier degré. Leur génie, bien différent de celui des Arabes, si habiles au moyen âge dans les sciences mathématiques, a toujours été tourné beaucoup moins vers la culture des sciences, où il n’a rien créé de spontané et d’original, que vers l’étude des littératures étrangères. Le catalogue des mekhitharistes témoigne, par les versions des chefs-d’œuvre de l’antiquité grecque et romaine ou de nos littératures modernes dont il donne le titre, que ce goût, si vif autrefois, n’est point éteint aujourd’hui. Parmi les travaux originaux de ces religieux, on y trouve indiqués, et pour une part notable, ceux qu’ils ont consacrés à l’histoire et à la géographie de leur pays, entre autres la grande histoire du père Michel Tchamitch, qui, dans un récit d’une étendue de près de trois mille pages in-4°, a condensé tout ce qu’il y a d’important ou de curieux dans les chroniqueurs arméniens, dont la succession se prolonge ininterrompue depuis le IVe siècle de notre ère jusqu’au XVIIe ; les ouvrages du père Luc Indjidji, qui a puisé aux mêmes sources tous les renseignemens propres à nous faire connaître l’aspect physique, les circonscriptions