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exposent à l’action des vents une surface de 700 hectares; pour l’y soustraire, il ne faut que la boiser. Les plantations feraient quelque chose de plus que d’affranchir la passe d’une servitude. En se couronnant de verdure et en s’exhaussant par l’accumulation des sables venus de l’estran, les dunes signaleraient avec précision l’entrée douteuse de l’Orne, et fortifieraient contre les coups de vent du large l’abri que tant de bâtimens viennent chercher derrière les pointes du Siège et de Merville.

La cause qui influe le plus sur la profondeur des embouchures des rivières à marées est le volume des eaux auxquelles elles donnent passage, et ce volume dépend lui-même de l’ampleur des réservoirs intérieurs auxquels correspondent les embouchures. Si le bassin de l’Orne recevait plus d’eau, soit de l’intérieur des terres, soit de la mer montante, l’entrée en deviendrait infailliblement plus creuse.

Le domaine des marées est raccourci dans le lit de l’Orne par un barrage à usines qui arrête la marche du flot à 200 mètres en amont du port de Caen. Si ce barrage, dont la construction remonte à Richard Ier, fils de Guillaume Longue-Épée, n’existait pas, on se garderait sans doute de l’élever; mais la faible amélioration de l’atterrage que procurerait la destruction de cet obstacle serait trop chèrement achetée. Le moyen efficace d’augmenter à l’embouchure de l’Orne la puissance des courans, c’est d’y faire dégorger la Dive.

La Dive s’infléchit en aval de Troarn vers le nord-est et n’atteint la mer que par des détours dont le développement est de 19 kiloètres à partir de Basseneville. Un canal qui la conduirait de ce point à la baie intérieure de l’Orne ne traverserait que des terres basses et n’aurait pas onze kilomètres de longueur. L’ouverture de ce nouveau lit serait peu coûteuse, et le bassin de la Dive, devenu tributaire de celui de l’Orne, ajouterait à la puissance des chasses naturelles qui maintiennent la passe ouverte entre les pointes de Menille et du Siège la puissance de celles qui maintiennent le chenal de la Dive. La réunion de ces deux forces approfondirait l’entrée de l’Orne, surtout si l’on rétrécissait celle-ci, si seulement on l’empêchait de s’élargir, et lorsque le seuil serait abaissé, le fond de la rivière, se réglant de lui-même sur le niveau auquel il aboutirait, ferait en peu de temps remonter l’amélioration jusqu’au port de Caen. Le dégorgement des eaux de la Dive dans la baie intérieure entretiendrait au-dessous de Sallenelles une profondeur constante; en attirant le courant de l’Orne, il le régulariserait, et mettrait un terme aux déplacemens du chenal, dont la navigation a tant à souffrir.

La vallée de la Dive profiterait encore plus que celle de l’Orne de cette révolution locale. La substitution d’un émissaire direct à un émissaire tortueux rendrait les desséchemens plus économiques et