Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 6.djvu/289

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas 2,500 tonneaux. Cet atterrage, sur la véritable valeur duquel ne se trompèrent pas les commissaires du cardinal de Richelieu, n’en a pas moins été pendant le XVIIe et le XVIIIe siècle l’objet de projets gigantesques. M. Bouniceau, ingénieur des ponts et chaussées, a montré dans une étude historique pleine d’intérêt l’exagération et les côtés faibles de ces projets, et l’on peut, sans revenir sur un passé qu’il a si bien exposé, se faire une idée des singularités de la formation du territoire de Port-en-Bessin et des améliorations réelles auxquelles il se prête.

L’Aure se dirige au sortir de Bayeux vers le nord; mais à 2 kilomètres de la côte elle se détourne brusquement vers l’ouest, et, non loin du coude qu’elle forme, la ligne des falaises abruptes du Bessin est interrompue par une étroite coupure. Ce vide est la trace la plus apparente d’un événement géologique dont il est plus aisé de décrire les effets que de déterminer les causes. Il semble qu’un écroulement souterrain ait fait fendre perpendiculairement au cours de l’Aure et à la côte le banc de roches qui s’étend sous la campagne, sert de base aux falaises et se prolonge sous les eaux de la mer. En effet, en atteignant ce terrain disloqué, les eaux de l’Aure s’amaigrissent, et, après avoir reçu celles de la Drôme, elles se perdent dans les crevasses appelées Fosses du Soucy. A 600 mètres plus loin, l’Aure inférieure sort de terre pour déboucher à Isigny, et le long de la grève de Port-en-Bessin jaillissent à mer basse des sources dont l’abondance croît et décroît avec la rivière. Le sol superposé aux siphons souterrains qui se dirigent vers l’ouest est si peu élevé, que lorsque la rivière se gonfle, elle efface, en passant par-dessus, l’apparente discontinuité de son cours. Au nord, le sol s’est nivelé jusqu’au rivage, mais ne s’est pas assez abaissé pour être jamais submergé; enfin la dislocation s’est étendue plus loin, et les roches sous-marines, s’affaissant aussi, se sont recouvertes d’une épaisse couche d’argile vaseuse, sur laquelle l’ancrage est très tenace. Le bourg de Port-en-Bessin est assis dans la coupure, et la plage au-dessous est revêtue d’un lit de galets comparables pour la forme et le volume à des fèves. Quand la mer est belle, les bateaux de pêche, qui constituent tout le matériel naval du port, donnent à pleine voile dans ce galet mouvant, et le jusant les y laisse enchâssés; dans les gros temps, on les hisse au sommet de la grève.

Aucun des ingénieurs qui ont étudié l’atterrage de Port-en-Bessin n’a sondé, que je sache, au-dessous du niveau de la basse mer, le terrain crevassé sur lequel on n’a pas craint de proposer l’établissement de bassins à flot. Les exemples de vastes cavités dans les formations calcaires sont trop communs pour qu’une supposition hardie soit ici déplacée. Si des sondages plus profonds révélaient