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l’existence de vides capables d’engouffrer la croûte qui les recouvre, il suffirait, pour doter cette côte d’un bassin à marée, de coups de mine beaucoup moins puissans que celui qui renversait en 1842, sur le passage du chemin de fer de Folkstone à Douvres, la grande falaise d’Abbot’s Cliff.

Quoi qu’il en puisse être, l’atterrage de Port-en-Bessin est à peu près resté à l’état de nature jusqu’au moment où la loi du 16 juillet 1845 a consacré à sa transformation en port de commerce et de refuge un crédit de 1,070,000 francs. Deux môles coudés, rattachés au rivage par des claires-voies, doivent envelopper une étendue de 11 hectares et laisser entre eux, pour le passage des navires, une ouverture de 60 mètres par 5 mètres d’eau à basse mer; la grève intermédiaire doit être remplacée par un mur de quai. Les travaux sont assez avancés pour produire la plupart des effets qu’il est permis d’en attendre. Lorsque le vent bat en côte, les lames qui pénètrent dans le port se retroussent le long des jetées et les remontent tumultueusement jusqu’aux claires-voies sous lesquelles elles s’affaissent, mais en conservant assez de violence pour former contre la terre un affreux ressac. En 1847, elles ont démoli en moins d’une heure 80 mètres du mur de quai et dispersé sur la grève les blocs qu’elles en ont arrachés. Les môles ne sont point achevés, et sans doute le rétrécissement de l’entrée modérera la brutalité d’une houle si compromettante pour les navires qui seraient amarrés au quai; mais cette entrée, déjà fort difficile, le deviendra par là bien davantage, et les bâtimens qui la manquent sont inévitablement perdus sur les roches adjacentes. Ce sont là de mauvaises conditions pour un refuge, et le million dépensé n’a jusqu’à présent servi qu’à gâter le port de pêche. Ces résultats ne sont pas ceux auxquels visaient les habiles auteurs du projet, et il serait d’autant moins sage de résister à l’autorité d’une expérience chèrement acquise, que l’atterrage peut s’améliorer par les moyens faciles et sûrs que signalaient, il y a quatre-vingts ans, de simples officiers de marine.

Le bassin hydraulique de l’Aure supérieure comprend une étendue de 190,000 hectares, et quand il y tombe de grandes pluies, les belles prairies de la vallée de l’Aure inférieure sont complètement submergées. Si le volume d’eau si malencontreusement égaré débouchait directement au fond du havre de Port-en-Bessin, son lit ouvrirait un échouage excellent aux navires du cabotage, les seuls qu’appelle l’état commercial du pays. L’n canal, saisissant l’Aure en amont des fosses du Soucy et la conduisant à la mer, atteindrait ce but, n’aurait que 2,500 mètres de longueur, et ne présenterait aucune difficulté d’exécution. Le projet de ce canal a été présenté en 1773 par M. de Marguerye, lieutenant de vaisseau, mais comme accessoire d’un