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favorisées. Ouvert au sommet d’un angle saillant, la mer occupe les trois quarts de son horizon; elle est son domaine bien plus que la terre; il l’exploite par l’intrépidité de ses pêcheurs, et vient en aide au commerce par le refuge qu’il offre aux navires en danger d’être affalés à l’entrée de la baie de la Seine.

L’âpreté des roches et des écueils sur lesquels se brise la mer au sud de Barfleur contraste avec la richesse des campagnes qui s’étendent en arrière. La formation granitique se termine par les deux longues pointes en dents de scie de Ré ville et de Saint-Vaast. L’angle rentrant compris entre elles, abrité du nord et de l’ouest par la côte, du sud-est par l’île rocheuse de Tatihou, et du sud par la jetée de Saint-Vaast, est rempli par la vaste grève de La Coulége, où sont réunis les plus anciens et les meilleurs étalages d’huîtres de nos côtes. Ils ont reçu en 1852 par le cabotage, sans les apports directs de la pêche locale, 520 millions d’huîtres (433,292 quintaux), et la preuve de l’essor que prend cette industrie, la seule à peu près qui s’exerce à Saint-Vaast, est dans le mouvement du port, qui, de 1847 à 1852, est passé de 48,546 tonneaux à 70,967. Les navires trouvent un très bon échouage sur le revers septentrional de la jetée, et quand ils ont à charger ou à décharger sur les étalages, ils viennent à la haute mer et par un temps calme se placer au-dessus, s’abaissent avec la marée au point où doit s’opérer le mouvement de leur cargaison, et le font à sec avec autant d’économie que de promptitude. Tout considérables que sont les étalages de La Coulége, le commerce qu’ils alimentent pourrait sextupler sans avoir à recourir à la grève voisine, mais un peu moins bonne, de La Hougue.

Le revers méridional de l’établissement maritime de Saint-Vaast comprend le port, la forteresse et la rade de La Hougue. Il est tout plein d’amers et glorieux souvenirs : la bataille qui en porte le nom n’a pourtant point été donnée, comme on le croit assez généralement, dans la rade; celle-ci n’a vu que le dernier acte de ce terrible événement

La campagne maritime de 1692 devait décider si la couronne d’Angleterre resterait à Guillaume III ou reviendrait à Jacques II. Tourville attendait dans la Manche, avec la double mission d’en protéger les côtes et d’y détruire la. marine ennemie, le moment de reconduire le roi Jacques dans son pays. Le comte d’Estrées, retardé par des tempêtes d’une violence inouïe, venait de la Méditerranée se ranger sous ses ordres avec quarante-cinq vaisseaux, et les forces britanniques avaient, tant qu’il était éloigné, une immense supériorité sur les nôtres; mais, confiant dans les assurances réitérées que lui donnait le crédule Jacques II qu’à l’heure du combat la moitié de la flotte anglaise, se déclarant pour lui, se tournerait contre les