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Mademoiselle de Kerdic chante


BALLADE.
I.

Dans la brume du soir
Qui dort sous ce vieux chêne ?
C’est Roger Beaumanoir,
Le jeune capitaine…
Pendant qu’au fond des bois
Courent ses chiens danois.

Le Comte, à demi-voix.

Encore, je vous en prie. (Il s’endort peu à peu.)

Mademoiselle de Kerdic.
II.

Il effeuille, en rêvant,
Dans la verte fontaine,
Il effeuille, en rêvant,
Des fleurs de marjolaine….
Pendant qu’au fond des bois
Courent ses chiens danois.


(Le comte est endormi : mademoiselle de Kerdic se lève doucement, et le regarde, penchée sur lui, puis elle reprend d’une voix de plus en plus faible :)


III.

Ô mon jeune amoureux,
Des fleurs que ta main sème,
Dit la fée aux yeux bleus,
Je tresse un diadème…
Pendant qu’au fond des bois
Courent tes chiens danois.


Le Comte, s’éveillant comme en sursaut.

Ah ! où suis-je donc ?… (Il se lève étonné.) J’ai rêvé ;… c’était bien vous que je voyais cependant… (Il la regarde avec surprise ; mademoiselle de Kerdic semble avoir rajeuni, ses rides s’effacent, ses cheveux sont presque noirs.) C’est extraordinaire.

Mademoiselle de Kerdic, souriant.

Qu’y a-t-il donc ?

Le Comte.

Vous n’avez plus vos soixante ans !

Mademoiselle de Kerdic.

Bah ! vous me voyez à travers les derniers rayons de votre rêve…

Le Comte.

Cela se peut,… cela doit être,… et cependant je jurerais que vous êtes plus jeune de vingt années…