Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 6.djvu/41

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dispositions de sa providence. Je vous supplie de lui demander pour moi une adhérence entière à toutes ses volontés et un détachement intérieur du monde qui réponde à celui qu’il opère extérieurement par le renversement de ma famille. Vostre charité ne me refusera pas cette grâce, et d’autant plus qu’on ne peut révérer vostre vertu et vostre mérite plus véritablement que je fais.

« A. DE BOURBON. »

« Je vous demande vos prières pour le repos de l’âme de mon fils et pour les besoins de monsieur mon frère, aussi bien que ceux de mes neveux, les princes de Conty. »


Le désastre qui emporta sa dernière espérance humaine permit à Mme de Longueville d’accomplir enfin son vœu le plus cher et de renoncer entièrement au monde. Elle quitta la rue Saint-Thomas du Louvre, alla demeurer aux Carmélites et se fit bâtir un corps de logis à Port-Royal-des-Champs, passant tour à tour sa vie dans ces deux solitudes, parmi des religieuses également, mais diversement saintes, qui répondaient à tous les côtés de son âme : les unes, qui avaient formé sa jeunesse, gardaient les tombes de sa mère et de ses deux filles, et possédèrent jusqu’en 1665 sa plus ancienne amie, Mlle du Vigean; les autres, qui avaient élevé sa piété en quelque sorte jusqu’à son caractère, en lui faisant voir tout ce qu’il y a dans le christianisme de grandeur héroïque, qui lui avaient donné des directeurs tels que Singlin et Sacy, et au milieu desquels elle trouvait encore Mlle de Vertus et Mme de Sablé, ses confidentes et ses compagnes chéries dans le siècle et dans la pénitence. Elle se consume ainsi lentement dans des austérités toujours croissantes et s’y éteint en 1679.

La correspondance que nous venons de parcourir ne va pas jusque là; elle finit à peu près où commence une autre et suprême correspondance que Mme de Longueville entretint avec M. Marcel, curé de Saint-Jacques-du-Haut-Pas, son dernier directeur. Celle-ci contient pour ainsi dire les derniers soupirs de cette âme fatiguée : elle ne se rapporte qu’à Dieu, tandis que la première, avec Mme de Sablé, garde encore, ainsi qu’où l’a vu, un caractère et un intérêt humain. Commençant vers 1660, au retour de Condé en France, et se prolongeant quelques années après la mort du jeune duc de Longueville, elle fournit plus d’un document nouveau sur les affaires de Port-Royal, où les deux amies jouent un si noble rôle ; elle met à découvert pour la première fois l’intérieur de Mme de Longueville et les luttes douloureuses qu’elle eut à soutenir au sujet de ses enfans; elle nous fait vivre dans son commerce intime, et nous montre sous ses aspects les plus différens cette délicate, affectueuse et forte nature. Nous osons même soutenir qu’au point de vue purement littéraire, cette correspondance a aussi son importance. Mme de Longueville y parait bien ce qu’elle est, une femme d’un grand esprit et d’un grand cœur.