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a en présence de lui le roi Henri IV, préoccupé de créer par un mariage des droits à la couronne de France sur le duché de Lorraine. La mort de Henri IV amène en France un brusque changement de politique. Marie de Médicis renonce à l’alliance lorraine, et arrange le mariage de Louis XIII avec une infante d’Espagne. Quelques années paisibles suivent le règne agité du duc Charles III ; mais bientôt le trône ducal est occupé par un prince appelé, comme le dit M. d’Haussonville, « à jouer un grand et singulier rôle dans toutes les affaires de son temps. » Charles IV avait été élevé à la cour de France, il avait plus tard suivi en Allemagne le duc de Bavière Maximilien, qui portait secours à l’empereur Ferdinand III, menacé dans ses droits par l’électeur palatin de Bohême. A la journée de Prague, qui rendit la Bohême à l’empereur d’Allemagne, Charles avait fait admirer sa bravoure. L’enivrement de ce premier succès, qui éveilla en lui l’amour de la guerre pour la guerre, fit sa gloire peut-être, mais amena aussi la ruine de son pays. C’est dans le règne de Charles IV que se place un des plus remarquables épisodes du livre de M. d’Haussonville, cette tentative de campagne contre Richelieu, inspirée à l’humeur aventureuse de Charles par une des femmes les plus séduisantes du XVIIe siècle. Quelques pages, que nous détacherons de cet épisode, pourront servir à marquer l’intérêt général du livre et à caractériser la manière de l’historien. Nous choisissons ce portrait de Mme de Chevreuse, où l’auteur s’est attaché avec un tact délicat à compléter et à coordonner les témoignages des contemporains.

« Toutes les histoires de la fronde, tous les mémoires du temps, toutes les lettres des contemporains, parlent avec admiration de la beauté de Mme de Chevreuse : les plus grands peintres ont fait souvent son portrait, les plus habiles graveurs d’une époque qui en comptait beaucoup d’excellens nous ont reproduit ses traits; mais, au moment de la fronde. Mme de Chevreuse avait déjà quarante-cinq ans, elle avait mené une vie très agitée. Plus que l’âge, la fatigue et les chagrins d’une existence pleine d’aventures avaient dû laisser leurs traces sur son visage. Quel ne devait pas être, aux jours de la jeunesse, du vif éclat et du premier épanouissement, l’attrait d’une femme dont la séduction demeura toujours si puissante! Malheureusement, autant les témoignages abondent sur l’effet produit par la première apparition de cette triomphante beauté, autant les détails manquent sur les grâces particulières qui donnaient alors tant de piquant à sa personne. Il n’y a pas, dans les collections publiques, de portraits authentiques de Mme de Chevreuse quand était la connétable de Luynes. Nous ne croyons pas qu’il en existe d’elle lorsqu’elle était Mlle de Rohan. Il faut donc s’aider un peu des portraits peints depuis son mariage avec le duc de Chevreuse, et surtout des indications semées çà et là chez les écrivains du temps, pour se représenter, d’une façon nécessairement fort vague encore et très imparfaite, ce que devait être la fille d’Hercule de Rohan, duc de Montbazon, lorsqu’à l’âge de quinze à seize ans elle fut introduite à la cour de Louis XIII. Au dire de ses contemporains, elle avait une taille admirable, d’une élégance et d’une souplesse sans pareille. Elle était blonde. Rien de charmant comme l’ovale de son visage. Peut-être l’expression en eût semblé un peu fière et hardie, si elle n’avait été