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Louvigny, soupirant éconduit de Mme de Chevreuse, découvrit à Richelieu les projets de Chalais, son rival préféré, avec lequel il avait eu récemment une querelle insignifiante. Sur cette première lueur. Monsieur avait tout avoué, et raconté sur ses complices plus de choses qu’on ne lui en avait demandé, plus même peut-être qu’il ne s’en était passé. Mme de Chevreuse avait toujours porté les paroles entre Monsieur, la reine et Chalais; c’était elle qui apparaissait principalement dans toutes les dépositions.

« Mais encore une fois qu’y avait-il au fond de tout cela ? Entre le dire du cardinal de Richelieu, qui affirme eu ses mémoires « que c’était la plus effroyable conspiration dont jamais les histoires aient fait mention, » et l’aveu de Chalais, qui assure le roi que « cette faction, dont il n’a été que treize jours, était plutôt pour prendre le grand seigneur à la barbe que pour troubler l’état du plus grand roi du monde, » nous penchons de préférence pour la version ingénue du conspirateur repentant et prêt à mourir. Cependant il convenait à Richelieu d’imposer par la terreur à toute la jeunesse étourdie qui entourait le roi et la reine. Il avait hâte d’en finir avec ces mille intrigues frivoles qui embarrassaient sa voie, et l’empêchaient de consacrer exclusivement la puissance de son esprit aux desseins qu’il formait dès lors pour le développement de la grandeur de la France. Conseiller inflexible d’un prince naturellement méfiant, il insista, par politique autant que par vengeance, sur la nécessité d’un châtiment terrible; comme lui, son maître fut sans pitié. Les supplications de son ancien favori n’émurent point Louis XIII; il écouta impassible les éloquentes prières de la mère de Chalais, et la tête du noble représentant de la maison de Périgord roula toute meurtrie sous la hache du bourreau.

« Chalais puni, « il restait, dit Richelieu, Mme de Chevreuse, qui, comme femme, faisait plus de mal qu’aucun. » Le duc d’Orléans, qui s’était décidé à faire sa paix avec le roi en épousant Mlle de Montpensier, avait en effet beaucoup chargé Mme de Chevreuse. Il s’était imaginé sans doute « qu’il ne pouvait mieux servir son ami Chalais et démontrer la vanité du complot qu’en lui donnant une femme pour principal auteur. » Chalais lui-même, se croyant à tort abandonné par Mme de Chevreuse, avait rapporté quelques conversations, réelles ou supposées, qu’il aurait eues avec la confidente de la reine, et les encouragemens qu’il aurait reçus de ces deux dames. Plus tard, il avait, il est vrai, rétracté solennellement ses révélations : elles n’en étaient pas moins restées gravées à jamais dans l’esprit du roi. Richelieu, soit qu’il y crût lui-même, soit qu’il fût bien aise de se débarrasser d’une ennemie incommode, persuada au roi d’éloigner Mme de Chevreuse de Paris. Voir ainsi son amant périr à cause d’elle, de la main du bourreau; perdre du même coup sa position à la cour, la société habituelle de la reine, et quitter le théâtre brillant qu’elle avait jusqu’alors rempli du bruit de ses succès, c’était plus qu’il n’en fallait pour exciter toutes les colères de Mme de Chevreuse. « Elle fut, dit Richelieu, transportée de fureur. » Son désespoir s’exhala en violentes menaces, et quelqu’un se trouva justement près d’elle pour recevoir lu confidence de ses projets de vengeance et les rapporter un cardinal : ce fut Bautru. Elle s’était écriée devant lui : « Que du même pied qu’on la traitoit en France, elle feroit traiter les Français en Angleterre; qu’il