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glorieuses, quelle vaste carrière une restauration, même mêlée de fatales erreurs et de mauvaises restrictions, peut offrir au mouvement des lettres et des sciences.

La France, après une révolution plus longue, plus radicale au dedans, bien autrement contagieuse au dehors, la France surtout, après ce grand désaveu de la révolution par elle-même qui s’est appelé le règne de Napoléon, après les splendeurs et les catastrophes également excessives de ce règne, la France, déchue à la fois des principes de 1789 et de sa récente primauté en Europe, arrivait à la restauration avec des causes particulières et nombreuses de découragement et de langueur. Le terrible intermède des cent-jours, cette courte reprise, cette répétition abrégée du premier empire, qui en trois mois épuisa dans un impossible essai tous les langages et tous les efforts des dix années précédentes, aggravait encore singulièrement le désavantage de la restauration. Après avoir paru la première fois une issue occasionnelle, un drapeau neutre offert pour transiger avec l’Europe, elle semblait cette fois l’objet direct, la garantie désirée que s’était proposée une invasion nouvelle.

Dans la réalité, il n’en était pas ainsi cependant. Ce qui suscita de nouveau les armes unanimes de l’Europe, ce qui remit en un moment sur pied un million trente mille hommes, selon le dénombrement que fit lord Castlereagh à la chambre des communes, ce n’était pas l’intérêt des Bourbons ni le regret de leur chute en elle-même : c’était la terreur, la colère, le désespérant mécompte du retour de Napoléon, les menaces qu’enfermait un tel succès, plus effrayantes pour chaque trône que ce succès même, et la conviction immédiate de la nécessité d’une lutte à mort. Par là, par l’impossibilité qu’il en fût autrement, l’entreprise des cent-jours, ce couronnement du caractère et de la vie de Napoléon, était pour la masse nationale ou même pour le dévouement individuel la plus funeste épreuve dont l’esprit de conquête ait affligé le monde.

Une coalition nouvelle inévitablement prévue, les restes héroïques de nos armées fatalement décimés, nos frontières réduites encore, les taxes de guerre et la présence d’uniformes étrangers en temps de paix furent le prix de cette expédition, dont la première réussite ne pouvait dans aucune hypothèse devenir le dénoûment, et qui ne reportait le grand capitaine un moment sur le trône de France que pour l’en précipiter au milieu de tous les fléaux déchaînés par l’étranger et de l’épuisement national.

Quoi qu’il en fût de ce terrible épisode et de ce second empire enlevé de nouveau comme une tente posée pour une nuit, l’état où sa disparition laissait la France semblait déplorable. Rien n’avait grandi dans cette courte et confuse épreuve, et bien des caractères