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aurait pu la faire choisir, de préférence à la colline d’Acra, par le roi David, s’il avait eu à se décider à cet égard; mais on sait que ce fut en s’emparant d’une forteresse située sur les rochers de Sion qu’il triompha de la résistance des Jébuséens, premiers habitans de Jérusalem. Devenu maître de cette forteresse, David s’y fixa, il y fit bâtir son palais et lui donna son nom. Cette forteresse est la ville de David, c’est-à-dire le noyau de la véritable Jérusalem[1], laquelle, devenue riche et populeuse sous les princes de la maison de Juda, franchit bientôt les limites étroites qui lui sont assignées, s’empare du mont Moria, où elle élève son temple, se déploie sur le plateau d’Acra, et finit par conquérir vers le nord une dernière colline nommée Bezetha.

N’est-ce pas là l’histoire de toutes les cités ? Ne commencent-elles pas par une acropole, lieu élevé et fortifié, inaccessible à l’ennemi ? Que la civilisation se fasse jour, et la ville, qui étouffe dans son étroite enceinte, descendra dans la vallée pour y respirer à l’aise et fleurir autour de son rocher natal. Ce qui est non moins certain, c’est que quand on trouve dans les poètes et chez les prophètes le nom de ville de David appliqué à Jérusalem tout entière, ceci n’est qu’une expression emphatique, une pure licence poétique[2], que l’on aurait tort, en présence des témoignages de l’histoire, de vouloir prendre au sérieux. Ouvrez les Macchabées, et vous y verrez ces mots : la ville de David, appliqués de la façon la plus directe et la moins contestable à la montagne de Sion[3]. C’est précisément le même endroit que Josèphe nomme la ville haute (l’historien des Juifs affecte de ne se servir jamais de ce nom de ville de David), c’est ce même endroit, disons-nous, et ce qui le prouve sans réplique, c’est qu’il donne à la ville haute les mêmes limites que celles de la ville de David, le ravin de Tyropéon et celui des enfans d’Hinnom.

Sur quoi M. de Saulcy se fonde-t-il pour repousser tous les témoignages qui établissent que jamais on n’a confondu la ville de David, c’est-à-dire l’enceinte fortifiée de Sion, avec le reste de Jérusalem ? sur quoi se fonde-t-il pour méconnaître l’autorité des Gesenius, des Winer et de notre Danville ? Sur le passage suivant extrait d’une note de M. Cahen, le traducteur de la Bible : « David fut enterré à Jérusalem, appelée ville de David parce que c’était le siège de sa cour et le berceau de sa dynastie. »

On le voit clairement, s’il faut chercher le tombeau de David quelque part, ce ne peut être que sur la montagne de Sion; en voici une preuve non moins forte que nous devons signaler. Lorsque le Juif Néhémias eut reçu d’Artaxercès Longue Main l’autorisation de reconstruire Jérusalem, il distribua les travaux entre certaines notabilités de la ville qui s’occupèrent principalement de la restauration des murailles; ce furent ses chefs d’ateliers. Ainsi, dit

  1. En effet cette cité, qui n’avait été pendant longtemps qu’une bourgade sous le nom de Salem, commença dès lors à acquérir quelque importance. Joab, neveu de David, donna suite aux travaux commencés par le roi-prophète, et « Jérusalem, dit Bossuet, prit une forme nouvelle. »
  2. Gesenius, Lexicon Hebraicum, au mot Sion.
  3. Macchabées, I, V. 33. — Voyez sur ce point d’excellentes observations dans l’Encyclopédie de Ersch et Graber. (Allgemeine Encyclop., au mot Jérusalem. S. 293.) Il en résulte que le nom de ville de David désigne toujours dans les Macchabées la partie sud et sud-ouest de Jérusalem, où s’élevait la montagne de Sion.