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pation de la Dobrutscha ; le mouvement le plus caractéristique est l’évacuation de la Petite-Valachie, probablement accomplie dans l’espoir de désarmer l’Autriche. De son côté, l’amiral Napier, dans la Baltique, s’est borné jusqu’ici à la capture de quelques navires de commerce russes.

Dans leur ensemble au surplus, ces faits ne sont que des détails ; le point supérieur et essentiel, c’est l’état général qui se dessine de plus en plus en Europe, c’est la situation réciproque que les événemens font aux diverses puissances. Cette situation, quant à la France et à l’Angleterre, était assez nette après les actes qui se sont succédé en peu de temps ; elle vient de recevoir sa dernière sanction par la convention récemment signée entre les deux pays. Déjà engagées avec la Turquie, les deux puissances se lient entre elles par des stipulations particulières pour la durée de la guerre, et une fois de plus elles renouvellent l’engagement commun de ne poursuivre aucun avantage personnel, subordonnant tout à l’intérêt de l’équilibre de l’Europe. Après cela, au point où en sont les choses, la dernière déclaration émanée du cabinet de Saint-Pétersbourg est-elle de nature à changer tant de faits palpables, si souvent mis en lumière ? Si, en sommant récemment l’empereur Nicolas d’évacuer les principautés, la France et l’Angleterre ont tout demandé à la Russie et rien à l’empire ottoman, est-ce que la Turquie occupe des provinces russes ? Si la première note de Vienne a si tristement échoué, est-ce à Londres ou à Paris qu’a été écrit l’étrange commentaire qui rendait cette note inadmissible ? Si cette malheureuse affaire est devenue si promptement une question de sécurité générale, a-t-elle été poussée à ces conséquences extrêmes par l’Occident, qui ne voulait rien, qui ne demandait rien que l’état actuel des choses ? En résumé, il fallait laisser s’accomplir diplomatiquement les desseins d’une politique ambitieuse, ou s’exposer à voir la plus stricte modération elle-même aboutir à la guerre, et c’est ce qui fait que l’Angleterre et la France sont aujourd’hui en présence de la Russie les armes dans les mains.

La France et l’Angleterre au reste, placées par leur position et leurs intérêts au premier rang dans cette question, n’ont fait que tirer les conséquences de principes sanctionnés en commun par l’Europe dans la conférence de Vienne, et c’est là le côté le plus sérieux de la situation actuelle, puisqu’il touche à la politique qui prévaudra définitivement en Allemagne. Le dernier acte accompli par l’Autriche et la Prusse, de concert avec la France et l’Angleterre, est, comme on sait, le protocole du 9 avril, et ce protocole maintient toutes les bases précédemment adoptées. Intégrité et indépendance de l’empire ottoman, évacuation du territoire turc par la Russie, engagement des quatre puissances de ne point traiter séparément, — toute la politique actuelle de l’Europe est là, signée par la Prusse et l’Autriche aussi bien que par les cabinets de Londres et de Paris. Or il est bien évident que si l’Autriche et la Prusse ont à mesurer leur action aux exigences des intérêts de l’Allemagne, cette action découle toujours de principes qu’elles ont elles-mêmes proclamés, et ces principes sont le lien qui les rattache aux puissances occidentales. C’est là ce qui d’avance détermine le sens du traité particulier que viennent de signer les deux principaux cabinets de l’Allemagne. On n’en peut connaître encore les termes, qui ne seront peut-être pas d’ailleurs tous divulgués. L’Au-