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par testament. Ainsi s’accomplit une des plus sérieuses réformes de notre législation.

Quant à la loi proposée sur l’instruction publique, elle tend principalement à modifier l’organisation actuelle des académies. La loi de 1850 avait créé une académie par département. Le projet présenté réduit le nombre à seize, afin d’arriver à reconstituer quelques grands centres d’enseignement et de culture intellectuelle à la place du morcellement qui existe. Un autre point de la réforme nouvelle, c’est de faire passer du recteur au préfet la surveillance et la direction administrative de l’instruction primaire. Après toutes les modifications, toutes les réformes introduites dans l’enseignement depuis quelques années, il y aurait à se poser une question à laquelle l’observation pratique seule peut répondre : c’est celle de savoir quels sont les résultats réels de ces transformations. Quels sont les progrès de l’enseignement libre ? quels sont ceux de l’enseignement de l’état ? Et, en dehors même de ceci, quelle est l’influence des systèmes nouveaux ? Quelles tendances, quel esprit, se font jour dans la jeunesse ? C’est à cela que peut se mesurer la valeur véritable de toutes les expériences sur l’instruction publique, expériences d’où dépendent après tout les destinées morales des générations nouvelles. S’il est dans toutes les conditions, pour les hommes de tous les temps et de tous les âges, une forte et permanente instruction, n’est-ce point celle qui ressort de l’histoire, du spectacle des mouvemens d’un siècle, des luttes morales d’une civilisation, de toute cette vie laborieuse et puissante que les œuvres de l’esprit à leur tour viennent exprimer ou interpréter ? Au milieu de ces mouvemens, l’intelligence s’éclaire, cherche à se reconnaître et à se rendre compte du point de départ de tous ces mouvemens, des phases qu’ils traversent, du but où ils tendent. C’est une voie où mille aspects se révèlent à la fois. Ce siècle est à peine arrivé à la moitié de sa carrière, et déjà que d’événemens se sont passés qui ne sont qu’incomplètement éclaircis, qui ne sont pas même achevés, pourrait-on dire, et pour lesquels les perspectives changent sans cesse ! Il y a peu d’années encore, on croyait l’empire une époque révolue et tombée définitivement dans l’histoire : — il renaissait bientôt d’une révolution, et avec lui tous les souvenirs qui s’y rattachent. N’est-ce point une coïncidence singulière qui a placé à côté de la réalité contemporaine une des plus saisissantes révélations sur la première période impériale Telle est en effet la publication des Mémoires et Correspondance du roi Joseph, qui est à son huitième volume, et touche à son terme sans épuiser la curiosité. L’intérêt ne languit point dans ces lettres, dans ces fragmens où se traite la partie secrète des événemens d’Espagne entre un dominateur impérieux et un homme resté un peu plus dans les conditions humaines. Fécondité de tactique, vues de gouvernement qui ne peuvent être certainement propres qu’a un tel homme, supériorité militaire et politique, tout cela est écrit dans cette correspondance en traits profonds et multipliés. Tout ce qui faisait de cette entreprise l’excès d’un génie qui croyait tout facile parce qu’il se sentait capable de tout comprendre et de tout entreprendre, — tout ce qui devait la faire échouer se dégage successivement aussi d’une manière plus vive à mesure que les faits s’enchaînent et se nouent. On l’a dit bien des fois, dans l’ensemble de la vie et des tentatives de l’empereur, il a un point où lu réalité disparait en quelque sorte et où il ne reste que le