Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 6.djvu/679

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

temps après il se montrait satisfait des explications qu’il avait reçues.

Cependant le gouvernement français, comme je le disais tout à l’heure, insistait vivement pour l’ouverture du congrès promis trois mois auparavant. Il y avait déjà plusieurs semaines que le duc de Vicence se trouvait aux avant-postes, suivant le mouvement des armées, demandant à être entendu et ne recevant pour réponse que de continuels ajournemens. De tels procédés de la part des alliés manquaient également de franchise et de dignité. Ceux qui ne partageaient pas les passions de l’empereur Alexandre et de quelques chefs militaires éprouvaient un certain embarras de cette façon d’agir. L’empereur d’Autriche et le roi de Prusse étaient d’avis qu’après les promesses faites, on ne pouvait, sans encourir un blâme mérité et sans faire un grand tort moral à l’alliance, se refuser à entrer en négociation. Ceux même qui, moins scrupuleux, eussent vu avec plaisir qu’on proclamât hautement l’intention de détrôner Napoléon répugnaient à la misérable politique qui cherchait à atteindre ce but par des moyens détournés et artificieux. « Si les alliés, disait sir Charles Stewart dans un rapport dont j’ai déjà cité quelques passages, si les alliés pouvaient se mettre d’accord sur le successeur à donner à Bonaparte, je crois que nous pourrions tout hasarder… Nous pourrions déclarer la résolution de ne pas poser les armes tant que l’ancien gouvernement ne serait pas rétabli… Nos derniers succès peuvent nous conduire à un noble but bien défini, mais non pas à un jeu d’intrigue secrète. Nous nous sommes assez longtemps joués de Caulaincourt. Le moment est enfin venu de prendre une décision. Si l’Angleterre ne peut persuader à toutes les puissances de rétablir les Bourbons d’un commun accord, je ne pense pas qu’elle ait de bonnes raisons pour consentir à ce qu’elles se départent en secret d’une déclaration faite à la face du monde. » Sir Charles Stewart voulait indiquer par ces derniers mots, non pas sans doute les conditions de paix offertes à Francfort par les alliés, mais la proposition faite alors par eux de traiter avec Napoléon.

Ces considérations l’emportèrent. Le congrès s’ouvrit enfin, et le 4 février il tint à Châtillon-sur-Seine sa première séance. La manière dont il était composé disait assez ce que la France devait en attendre. Le duc de Vicence avait espéré traiter avec les chefs des cabinets alliés ; il en exprima plusieurs fois le désir. Cette satisfaction ne lui fut pas accordée. M. de Metternich, avec qui il ne cessa d’entretenir une correspondance d’une forme confidentielle et presque amicale, refusa pourtant de le voir. Il ne put être admis à entretenir lord Castlereagh, qui cependant vint passer quelques jours à Châtillon. Les plénipotentiaires qu’on chargea de conférer avec lui furent, pour l’Autriche, le comte de Stadion, prédécesseur de M. de Metternich