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En général, l’influence extérieure du cabinet de Londres était loin, à cette époque, de s’exercer dans le sens des idées libérales, et c’est bien à tort qu’on a voulu depuis lui faire un mérite ou un sujet de reproche d’avoir pratiqué une sorte de propagande de liberté constitutionnelle. Sans doute, en contribuant avec la coalition tout entière à soulever les peuples contre Napoléon, il avait imprimé aux esprits un mouvement qui devait naturellement les entraîner à réclamer la liberté intérieure après avoir conquis l’indépendance nationale. Ces deux principes, sans être inséparables, se tiennent par des liens trop étroits pour qu’il ne soit pas difficile d’évoquer l’un sans faire penser à l’autre ; mais le gouvernement britannique, bien différent en cela de l’empereur de Russie, ne tenait nullement à établir entre eux cette solidarité. En Portugal, où il dominait sans contrôle pendant la guerre et longtemps encore après, aucune atteinte ne fut portée au pouvoir absolu. En Espagne, où son ascendant était moins complet, les délibérations des cortès de Cadix furent pour lui un sujet continuel d’irritation et de défiance, et l’extravagante constitution votée par ces cortès, cette copie presque textuelle de notre constitution de 1791, ne pouvait certes obtenir les suffrages des hommes d’état anglais ; aussi la virent-ils abolir sans regret lorsque Ferdinand VII remonta sur le trône. L’intention qu’il manifestait alors de la remplacer par des institutions plus monarchiques, mais qui ne feraient pas revivre les insupportables abus de l’ancien régime, suffisait pleinement pour satisfaire le cabinet de Londres ; son mécontentement, ses remontrances ne commencèrent qu’après les actes déplorables qui marquèrent les premières années du despotisme de Ferdinand du sceau d’un despotisme ignare, grossier et cruel, tel qu’en ont vu rarement les temps modernes. En Sicile, il est vrai, lorsque cette île n’était protégée contre l’invasion des Français que par l’occultation britannique ; lord William Bentinck, qui présidait, en ce pays et en Italie, à l’action diplomatique et militaire de l’Angleterre, contribua puissamment à l’établissement d’une constitution fort analogue, dans sa forme extérieure, à celle du peuple anglais ; mais il se proposait surtout par là de maîtriser une cour dont les caprices contrariaient souvent ses projets. Lord William d’ailleurs n’était rien moins qu’un agent docile du ministère tory, et il en représentait assez mal la pensée. Lord Castlereagh se plaignait de son incorrigible whiggisme et de la difficulté de le diriger. Il l’accusait d’avoir excité sans mesure et sans prudence, parmi les populations italiennes, le sentiment de l’indépendance et de la nationalité, d’avoir pris sur lui, par exemple, de faire espérer aux Génois le rétablissement de leur ancienne république, qui n’entrait pas dans les projets des alliés, et de n’avoir pas compris que s’il avait pu être à propos de se faire une arme contre