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dans tous ces cas, il conserve toujours les traits caractéristiques qui le font reconnaître. Pour que cette influence des climats et de la civilisation fut admise, il faudrait en outre que partout où le climat est le même, partout où les habitudes, les mœurs sont analogues, la structure des habitans fût identique. Si l’état sauvage suffisait à changer la coloration des hommes comme celle des chevaux, la couleur des habitans d’un pays serait d’autant plus claire que leurs institutions seraient plus parfaites. Or les peuples jaunes, pour n’avoir pas le même genre de civilisation que les peuples blancs, ne leur sont guère intérieurs sous ce rapport, et les ont même précédés dans la voie du progrès. Certains noirs même ont possédé une civilisation assez avancée. Il existe en Amérique une peuplade qui porte le nom de Yuracarès, qui a toute la superstition, l’ignorance, la grossièreté des peuples les plus sauvages, et qui cependant est presque blanche. Enfin, en bonne logique, pour que l’influence des climats fût regardée comme la cause des variétés de l’espèce humaine, il faudrait citer des exemples de tels changemens arrivés à des hommes ou à des races. Or, s’il y a quelque chose d’immuable sur la terre, c’est assurément la physionomie de chaque peuple. D’après le témoignage de tous les historiens, de tous les tableaux, de toutes les statues, les différens types humains ont existé de tout temps. Dès la plus haute antiquité, les peuples présentaient les mêmes caractères qui les distinguent encore aujourd’hui. Tacite dit que les Germains sont roux, et on peut se convaincre aisément que cette couleur est fort commune de l’autre côté du Rhin. Les Grecs ont hérité de la beauté de leurs ancêtres. On retrouve même dans les différentes villes de la Grèce les différens genres de beauté célébrés par les poètes. Suivant Pouqueville, les femmes de Sparte sont blondes et sveltes ; celles du Taygète ont le port de Pallas ; les Messéniennes se font encore remarquer par leur embonpoint, leurs grands yeux et leurs cheveux noirs. De tout temps il a existé des hommes ayant la peau brune, la mâchoire inférieure avancée, les cheveux laineux. Rien d’essentiel, rien d’organique n’est changé au bout d’une série de siècles dans la conformation des races. Quelles que soient leurs migrations, les peuples conservent toujours leurs caractères. Les Juifs sculptés sur les tombeaux des rois d’Égypte semblent être les portraits de ceux que nous voyons chaque jour. Enfin les différences ethniques ont plutôt diminué qu’augmenté, preuve certaine qu’elles ne sont pas dues aux climats, car cette cause continuerait d’agir si elle était réelle, et creuserait des divisions de plus en plus profondes. Qu’Importent les changemens éprouvés par les animaux, si les hommes placés dans les mêmes alternatives, soumis aux mêmes influences, conservent tous leurs caractères ? Une des qualités de la nature humaine n’est-elle donc pas d’être peu affectée par les circonstances extérieures, de se maintenir identique dans les milieux les plus divers ? Loin de se soumettre aux climats et de varier avec eux, l’homme semble les plier à sa volonté, transformer la terre qui lui est donnée, imposer à la nature rebelle ses goûts et ses besoins, et porter pour ainsi dire, son ciel avec lui. Les exemples de cette permanence des types au milieu des circonstances les plus diverses sont nombreux. Suivant M. Freycinet, on trouve au midi de l’Amérique, vers le 55e parallèle, sous un ciel très froid, des noirs analogues aux Éthiopiens. Sur la côte d’Angole, a Saint-Thomas, au fond du