Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 6.djvu/94

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

involontaire de sa course. Les Nedji, les Kuheglan-el-Hadjouse ont tous une légende aussi authentique que celle du premier Saklawy-Djedran; mais si l’on sort du domaine de la fiction pour entrer dans celui de la question chevaline, si l’on cherche à s’éclairer sur l’origine de tel ou tel animal par une série de questions précises, on n’obtient que des réponses évasives qui permettent de supposer les plus épaisses ténèbres. Le directeur du haras de l’émir Beschir, haras dont les produits jouissent d’une grande réputation, interrogé par moi à plusieurs reprises s’il pourrait tracer sur documens authentiques, pour une période de cinquante années, la généalogie d’un de ses élèves, m’a toujours répondu que cela lui serait tout à fait impossible. Je crois donc n’être pas très loin de la vérité en affirmant que l’on ne saurait obtenir de pedigrees exacts, complets.

Certaines circonstances, matérielles pour ainsi dire, doivent s’opposer à ce que l’on puisse obtenir l’origine des chevaux arabes, même à un degré fort incomplet d’approximation. Les Arabes sont dans l’habitude de donner très peu de noms propres à leurs chevaux, qu’ils distinguent par le nom de leur race. De plus, les produits sont invariablement classés dans la famille de la mère. Le fils d’un étalon Kubeïsha et d’une jument Saklawy-Djedran prend rang de droit dans la famille des Saklawy-Djedran. Cette dernière circonstance prouve tout ce qu’il y a de confus, au point de vue des idées européennes, dans la classification du pur sang arabe en familles. De plus, les tribus se connaissent à peine entre elles. Aux environs de Damas aujourd’hui, le mois suivant elles campent sous les murs de Bagdad ; tel bel animal pris dans les combats, et le fait se présente souvent, se reproduit dans la tribu victorieuse sans que l’on puisse noter son origine. Il est vrai que l’intérêt bien entendu du propriétaire l’empêche de prostituer une noble jument à quelque animal de basse extraction, qu’un peuple qui vit, mange et s’habille comme l’on vivait, mangeait et s’habillait au temps des patriarches, doit, sinon monter les mêmes chevaux, du moins les enfans de ceux que montaient les patriarches. Je n’essaierai donc point de nier l’antiquité des races arabes, mais j’établirai que les documens nous manquent pour dissiper les mystères de leur origine. je parle de documens sérieux, bien établis; quant aux autres, ils abondent. Ici, vous les voyez apparaître sous la forme d’un joli sachet de soie qui, suspendu au col du cheval, est d’un effet fort élégant; là, ils sortent de la bouche d’un Arabe qui vous jure sept fois par sa barbe, si cela est nécessaire pour vous convaincre, que le cheval qu’il vous offre est fils de Saklawy-Djedran, petit-fils de Saklawy-Djedran, arrière-petit-fils de Saklawy-Djedran, et ainsi de suite jusqu’au roi Salomon. J’avouerai que tant qu’il ne m’aura pas été prouvé que la probité des Arabes,