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à irriter les esprits et à faire naître des difficultés nouvelles qu’à aplanir celles qui existaient déjà, et aussi qu’il ne convenait pas à l’Angleterre de se mettre de la sorte en scission ouverte avec ses alliés.

Cette scission que le gouvernement français appelait de tous ses vœux, peu s’en fallut qu’elle ne finît par éclater. Les choses en vinrent au point que, le 3 janvier 1815, MM. de Talleyrand, de Metternich et lord Castlereagh signèrent un traité secret dont voici les clauses : les puissances contractantes s’engageaient à agir de concert pour donner suite aux stipulations du traité de Paris et à se tenir toutes trois pour attaquées, si une seule l’était ; — si l’une d’entre elles se trouvait menacée, les deux autres interviendraient en sa faveur, et au besoin chacune mettrait sur pied pour la secourir une force de cent cinquante mille hommes ; — en cas de guerre, on conviendrait à l’amiable de la nature des opérations, du choix du général en chef, et, s’il le fallait, on prendrait de nouveaux arrangemens pour augmenter les contingens ; — la paix ne pourrait être faite que d’un commun accord ; les trois cours promettaient de prendre le traité de Paris pour règle de l’étendue de leurs possessions respectives ; la Bavière, le Hanovre et les Pays-Bas devaient être invités à accéder au traité.

Ce traité n’était pas destiné à devenir une réalité. Presque au moment où il fut conclu et bien que les puissances contre lesquelles il était dirigé n’en eussent aucune connaissance, les dispositions intraitables dont elles s’étaient jusqu’alors montrées animées changèrent presque subitement. On se fit de part et d’autre des concessions. La Russie, gardant la majeure partie du duché de Varsovie érigée en royaume de Pologne, consentit à en laisser à la Prusse la portion aujourd’hui désignée sous le nom de grand-duché de Posen. Moyennant cette cession et celle des provinces de la rive gauche du Rhin, où l’on avait pensé à reléguer le roi de Saxe, le cabinet de Berlin restitua à ce prince, non pas la totalité, mais les deux tiers de son royaume, et il dut se contenter de cette restitution incomplète, à laquelle ses puissans protecteurs s’étaient eux-mêmes résignés.

Restait à résoudre la question de Naples, celle que le cabinet des Tuileries avait le plus à cœur. Le gouvernement britannique, par haine de la révolution, ne portait guère moins d’intérêt à la restauration des Bourbons de Sicile. Nous avons vu avec quelle répugnance, sans reconnaître et garantir formellement comme l’Autriche la royauté de Murat, il s’était prêté, dans un moment de danger, à des démarches qui équivalaient presque à cette garantie. Le danger à peine passé, le regret de cette espèce d’engagement, le désir de trouver quelque moyen de le rompre n’avaient pas tardé à s’élever dans l’esprit de lord Castlereagh. Sa correspondance nous le montre accueillant,