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HISTOIRES D’ARMORIQUE




I.


LES MOISSONNEURS.


Lorsqu’un nuage épais, vers le temps des moissons,
Vient recouvrir la ville et fond sur les maisons,
Quand la grêle bondit sur les toits, quand la rue
Roule une onde fangeuse incessamment accrue,
Observant à l’abri l’orage et ses dangers,
Aux tristes campagnards, citadins, vous songez.
Leur malheur est le vôtre. Oui, vous cherchez d’avance
Comment le métayer paîra sa redevance ;
Le pauvre avec frayeur prévoit l’hiver prochain,
Et l’on parle déjà de la cherté du pain. —

Hommes mûrs et vieillards, jeunes gens, jeunes filles,
Tous ils étaient venus, armés de leurs faucilles.
Dès la pointe du jour, un jour limpide et bleu,
Et que l’ardent soleil bientôt rougit de feu.
Jusqu’à midi sonnant leurs bras forts et superbes
Ont abattu les blés vite formés en gerbes ;
Mais les rires, les mots joyeux et les chansons
Animaient au travail et filles et garçons ;
En fauchant les épis, en liant les javelles,
Les défis s’échangeaient et les tendres querelles  :
— Renouez vos cheveux, ô Lilez, et chantez !
— Héléna, tous mes chants sont à vous ; écoutez !

LILÈZ.

« Ma barbe est blonde encor, je ne suis qu’un jeune homme
Parmi les moissonneurs pourtant on me renomme  :