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Elle laissa tomber sa lyre
Et du doigt me montra les cieux.

« L’amour, dit-elle, m’a blessée,
De pleurs ma paupière est lassée,
Mon cœur tristement s’est fermé ;
Écoute ma plainte insensée :
N’as-tu pas vu mon bien-aimé ?

« Oui, mon bien-aimé me délaisse ;
Sur l’oreiller de la paresse
Oublirait-il mon souvenir ?
Moi qui suis toute sa jeunesse.
De quoi veut-il donc me punir ?

« De sa lampe il éteint la flamme.
Où va-t-il ? Peut-être une femme.
Qui se hâte de moissonner
Les plus beaux épis de son âme.
Ne me laissera qu’à glaner.

« Où s’en vont ses pas ? Je l’ignore.
Je crains qu’il ne m’apporte encore
Un cœur meurtri par les douleurs ;
Au moins, quand l’ennui le dévore,
Il me revient les yeux en pleurs.

« Mon baiser lui rend son génie :
Je prends aux brises l’harmonie.
Le frais parfum aux buissons verts.
Aux cieux leur lumière infinie.
Trésors qu’il mêle dans ses vers.

« Son esprit joue et n’a point d’arme.
Et dans ses vers, bouquet de Parme,
Chante un oiseau doux et moqueur ;
Mais il change en perle une larme,
Une larme qui vient du cœur.

« Tu le connais, si tu sais lire ;
C’est lui qui, dans un beau délire,
Soupira d’immortels ennuis ;
Chacun se tut devant sa lyre
Pour écouter ses quatre Nuits.

« Il me reviendra, je l’espère :
Nous nous aimons, il est mon frère
Ou plutôt il est mon amant,
Mais il me parle avec mystère
Et m’aime à genoux seulement.