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M. de Lamartine apporte un contingent de renseignemens personnels. Il a connu M. de Polignac, il a rempli des fonctions diplomatiques sous son ministère ; mais hélas ! quel usage fait-il de ces renseignemens personnels ? Il nous raconte ses conversations avec M. de Polignac, et la conclusion qu’il en tire, c’est que le premier ministre de Charles X était illuminé, avait des visions. Quand la politique est livrée à de telles inspirations, on entre de plain pied dans le domaine de la folie. Puisque M. de Lamartine n’avait rien de plus nouveau à nous dire sur le dernier ministère de Charles X, il eût mieux fait de s’en tenir aux documens recueillis par ses devanciers. Un roi partagé entre la chasse et la dévotion, prenant pour conseiller un illuminé, offre au lecteur un spectacle navrant : la colère disparaît devant la pitié. Dès que la conquête d’Alger est résolue, les moins clairvoyans comprennent que le lendemain de la victoire sera signalé par un coup d’état, et en effet cette prophétie, qui était dans toutes les bouches, s’accomplit avec une littéralité désespérante.

M. de Lamartine ne dit pas assez nettement que le ministère Martignac fut le seul ministère libéral de la restauration. C’est un point sur lequel il était nécessaire d’insister. Il condamne, mais en termes trop rapides, les projets de loi sur le sacrilège et sur le droit d’aînesse. Ces deux projets de loi étaient pourtant la préface des ordonnances ; le droit d’aînesse et la peine du sacrilège n’allaient pas à moins qu’à supprimer, à biffer d’un trait de plume la révolution française. M. de Lamartine, tout entier à l’agonie de la monarchie, effleure à peine ce double sujet, si bien que, malgré l’entêtement de Charles X, malgré les visions du prince de Polignac, le dénoûment paraît trop brusquement amené. Quand on voit à quelle dure condition M. de Martignac se résignait pour réconcilier la nation et le roi, et comment il en était récompensé, on s’étonne qu’il ait gardé si longtemps le pouvoir. Pour accepter le gouvernement au milieu de pareils tourmens, de pareilles trahisons, il faut plus que du dévouement, il faut de l’abnégation. M. de Martignac sentait le terrain miné sous ses pieds par les courtisans, par le clergé, et cependant il n’a pas déserté son poste. Sans l’aveuglement insensé de Charles X, qui sait combien de temps le ministre dévoué eût maintenu la monarchie en équilibre !

Il est donc permis d’affirmer que le règne de Charles X n’offre qu’un récit écourté ; mais je ne veux pas quitter ce livre sans présenter deux ordres de considérations. En premier lieu, je regrette que M. de Lamartine, après avoir raconté l’histoire de la restauration, ne marque pas l’écueil contre lequel viennent se briser les dynasties ramenées par les armées étrangères. Toutes leurs destinées se ressemblent :