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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 8.djvu/1183

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vanté les avantages de la chasteté dans un traité d’éducation fait pour le monde et non pour le couvent. J’ai quelque plaisir à rendre ce témoignage à Rousseau, car je n’ai pas hésité à commenter devant mes étudians de la Sorbonne l’apologie que Rousseau fait de l’innocence des mœurs. Je ne dis pas que je n’aie pas pris pour cela quelques précautions oratoires : l’auditoire n’était guère approprié à la leçon ; mais j’ai commencé par dire avec Horace que je haïssais et repoussais loin de moi le profane vulgaire ; puis, pour que l’auditoire ne se prît pas lui-même pour le profane vulgaire, j’ai dit quels étaient mes profanes, que j’ai cherchés d’abord loin de la Sorbonne et du quartier latin, parmi les roués et les libertins du grand monde, parmi les viveurs de l’Opéra, tous gens dont on peut fort commodément se moquer en Sorbonne, parce qu’ils n’y viennent pas. De ces profanes de la Chaussée-d’Antin et du quartier Saint-George, j’ai passé à des profanes plus voisins, aux mauvaises mœurs de l’estaminet et de la tabagie, aux coureurs de bals masqués, aux étudians qui n’étudient pas et qui consument en sottises grossières l’argent de leurs pauvres et honorables familles ; et sur ce point encore, trouvant l’assentiment de mon auditoire, quoique mes blâmes déjà passassent plus près de lui, sans avoir, grâce à Dieu, à s’y arrêter, j’ai lu sans hésiter cette belle page de Rousseau : « J’ai toujours vu que les jeunes gens corrompus de bonne heure et livrés aux femmes et à la débauche étaient inhumains et cruels ; la fougue du tempérament les rendait impatiens, vindicatifs, furieux ; leur imagination, pleine d’un seul objet, se refusait à tout le reste ; ils ne connaissaient ni pitié ni miséricorde ; ils auraient sacrifié père, mère et l’univers entier au moindre de leurs plaisirs. Au contraire, un jeune homme élevé dans une heureuse simplicité est porté par les premiers mouvemens de la nature vers les passions tendres et affectueuses ; son cœur compatissant s’émeut sur les peines de ses semblables ; il tressaillit d’aise quand il revoit son camarade ; ses bras savent trouver des étreintes caressantes, ses yeux savent verser des larmes d’attendrissement ; il est sensible à la honte de déplaire, au regret d’avoir offensé. Si l’ardeur d’un sang qui s’enflamme le rend vif, emporté, colère, on voit le moment d’après toute la bonté de son cœur dans l’effusion de son repentir ; il pleure, il gémit sur la blessure qu’il a faite, il voudrait au prix de son sang racheter celui qu’il a versé ; tout son emportement s’éteint, toute sa fierté s’humilie devant le sentiment de sa faute. Est-il offensé lui-même ? Au fort de sa fureur une excuse, un mot le désarme ; il pardonne les torts d’autrui d’aussi bon cœur qu’il répare les siens. L’adolescence n’est l’âge ni de la vengeance ni de la haine ; elle est celui de la commisération, de la générosité. Oui, je le soutiens et je ne crains pas d’être démenti par l’expérience, un enfant qui n’est