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UN
POÈTE BOURGEOIS
AU QUINZIÈME SIÈCLE


II

LA POÉSIE DE GUILLAUME COQUILLART[1].


I. — NOVICIAT LITTÉRAIRE.

Nous avons raconté la vie intime de Guillaume Coquillart, et nous avons vu combien chacune des tendances de son caractère et de son esprit était la conséquence, presque le résumé de l’existence que menait alors la bourgeoisie dans la bonne ville de Reims. La destinée littéraire de ce poète est soumise aux mêmes influences, et c’est encore la position de Reims qui va donner leur couleur particulière, âpre, satirique et sceptique, à ses premières œuvres. Le vrai noviciat de sa poésie, c’est cette vie politique de la bourgeoisie sous la main de la royauté, et c’est ce qui doit tout d’abord attirer nos regards.

Louis XI, en montant sur le trône, trouva toutes les classes de la nation sur le chemin de la guerre sociale, déjà toutes prêtes à attaquer le boulevard général, la royauté, pour en venir ensuite à lutter sans obstacle les unes contre les autres. Le populaire, persécuteur dans les grandes villes, persécuté dans les campagnes, avait désiré dans ses momens de détresse un pouvoir qui le protégeât exclusivement, et pendant le court espace de temps où il avait exercé la tyrannie, il avait à peu près compris ce qui lui était nécessaire pour rendre cette tyrannie plus durable : il avait entrevu qu’il ne lui manquait, à lui représentant le nombre et la force, que l’union et l’organisation. Il s’organisait donc à l’abri des associations des métiers, et il inventait déjà,

  1. Voyez la livraison du 1er  septembre 1854.