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d’un Français de nos jours qu’elles ne l’avaient été dans tous les écrits étrangers ou nationaux des contemporains et de leurs successeurs immédiats ? Et chez nous Français, dans notre propre pays, malgré tant de précieux témoignages du siècle de Louis XIV sur lui-même, malgré l’abondance des mémoires historiques inspirés par cette grande époque et écrits sous sa dictée, malgré tout l’éclat qui en avait presque directement rejailli sur les tableaux qu’en a laissés Voltaire, n’est-il pas vrai qu’une part éminente de ce règne, la principale œuvre de sa diplomatie, n’a été bien éclaircie et dignement dépeinte que de nos jours[1] et par un de nos récens maîtres en histoire, dont la méthode et le talent s’appliquent avec une égale supériorité aux sujets contemporains et à l’étude approfondie, parfois à la restitution d’époques plus anciennes incomplètement ou faussement reproduites avant nous ?

En signalant ces titres nouveaux et cette supériorité actuelle de notre littérature historique, nous voulons appeler et non décourager l’émulation; ils sont pour nous la preuve d’un rapport entre l’esprit du temps, la facilité des renseignemens et l’à-propos des tentatives de composition historique :

Clio gesta canens transactis tempora reddit.


M. Viennet, dans ses vers voltairiens pour l’esprit et la rime, a beau regarder les muses comme tout à fait surannées et gronder Clio comme la moins véridique de toutes; elle restera longtemps, nous le croyons, la muse favorite de notre époque. Elle y découvrira des points de vue sur le passé; elle y rajeunira des côtés entiers de l’histoire convenue, en les éclairant d’une lumière nouvelle; elle y traitera d’une manière isolée, distincte, et partant plus exacte et plus complète, des portions importantes qui demeuraient enveloppées et confuses dans la masse de l’histoire générale. Le goût des recherches neuves et précises, la découverte de documens inédits, l’étude des pièces officielles et jusqu’à la curiosité des autographes partis de mains célèbres, viennent merveilleusement à l’appui de cette disposition à mieux écrire l’histoire. Longtemps, dans notre pays, des écrivains, même estimables, croyaient qu’être historien, c’était recevoir de confiance ce que d’autres narrateurs avaient compilé avant nous, le récrire en meilleurs termes et y mêler une pointe de raison philosophique ou quelques lieux communs de morale. C’est ainsi que composaient même un homme d’un esprit rare, Duclos, et plusieurs hommes renommés dans les premières années de ce siècle. Il en était à peu près de même chez nos plus proches voisins : un habile

  1. Histoire des Négociations relatives à la succession d’Espagne, par M. Mignet.