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critique anglais, tout en admirant la clarté, l’élégance facile, l’intérêt des récits de Hume, a noté de longs fragmens de son ouvrage où il suit pas à pas un seul guide antérieur, le docte Carte, se bornant à le renouveler par l’expression et à l’animer çà et là par l’épigramme; on peut s’assurer encore, par d’autres épreuves, que ce célèbre historien, pour décrire et juger la révolution d’Angleterre, n’avait pas même consulté le recueil imprimé des débats parlementaires, mais s’était contenté des extraits souvent tronqués et fautifs qu’en avait donnés Clarendon dans sa grande Histoire de la Rébellion.

C’est le savant et minutieux investigateur D’israéli, le père de l’exministre et du spirituel romancier de ce nom, qui un des premiers inquiéta les Anglais sur cette manière confiante, expéditive, d’écrire l’histoire; c’est lui qui fit ressortir tout ce que les documens inédits, l’amas oublié des pièces officielles, les correspondances privées et secrètes renfermaient de curieux démentis à l’histoire courante, à la tradition vulgaire, et enfin tout ce que l’érudition des textes originaux jetait de lumières nouvelles sur les événemens et les hommes.

Vers le même temps, les collections d’Ellis et d’autres recueils restituaient à l’histoire britannique une foule de documens authentiques cachés jusque-là dans les archives de la couronne, ou de quelques grandes familles d’Angleterre, à peu près comme parmi nous le recueil tardif des lettres d’Henri IV, la publication commencée des lettres de Richelieu, les extraits de notre diplomatie en Orient au XVIe siècle ont apporté depuis quelques années à notre histoire mille curieux renseignemens, appréciés surtout, il faut en convenir, par le suffrage des critiques étrangers.

Quoi qu’il en soit, on ne peut trop accueillir et trop désirer les efforts tentés dans cette voie nouvelle de scrupuleuse recherche et de dépouillement direct des monument originaux; c’est là pour l’histoire un rajeunissement plus utile et plus vrai que les couleurs sceptiques ou religieuses dont une plume facile cherche à relever un canevas de renseignemens incomplets. Qu’on le sache bien, pour une grande partie des temps moyens et des temps modernes, l’histoire est à faire, c’est-à-dire à trouver dans les sources, à surprendre dans des monumens à part, dans les attestations contemporaines habilement recueillies.

A la vérité, pour réussir à pareille œuvre, il faut en borner l’étendue, choisir une époque, un fait important, un personnage caractéristique, puis l’étudier à fond par un examen comparé de ce qu’en a dit l’histoire générale et de ce que peut y ajouter l’étude des textes originaux. C’est là ce que nous paraît avoir commencé avec un heureux travail et une sagacité supérieure M. d’Haussonville dans l’Histoire de la réunion de la Lorraine à la France.