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inaliénables et le droit de dévolution réservé à la couronne, à défaut d’héritiers directs, ruinaient fréquemment l’aristocratie sans que cet inconvénient fût compensé pour elle par aucun avantage politique.

Le clergé, réduit dans la plupart des provinces à un état voisin de la misère, ne donna pas de moins grand cœur la main à des réformes qui, en échange de vastes propriétés d’un rapport à peu près nul, lui assuraient des revenus fixes et plus élevés. Enfin la restauration des finances concilia au nouveau gouvernement l’adhésion des petits propriétaires et des commerçans, très nombreux dans le nord du royaume. Sous l’ancienne dynastie, la perception des impôts frappés sur les objets de consommation avait été aliénée à de nombreuses compagnies de traitans, et les impositions territoriales étaient reçues par des spéculateurs qui achetaient à forfait le droit de les percevoir directement pour leur propre compte. À ces impositions tout arbitraires venaient se joindre celles que le peuple payait aux seigneurs de fiefs, et qui demeuraient en presque totalité aux mains de leurs intendans. Une véritable anarchie régnait dans la perception des revenus royaux, dont on comptait plus de cent espèces différentes, et cette perception plaçait aux ordres de simples particuliers, avec une force armée permanente, des administrations très nombreuses, indépendantes du gouvernement, et décidant souverainement toutes les questions auxquelles elles étaient elles-mêmes intéressées.

La perception de tous les revenus publics fut reprise par la couronne à titre de droit régalien, et ces revenus reçurent bientôt après un accroissement notable par la vente des terres communales, qui suivit comme une conséquence naturelle la suppression du système féodal. Ces terres, d’une vaste étendue et jusqu’alors stériles, furent acquises et cultivées moyennant une rétribution annuelle payée au trésor, et leur culture ne favorisa pas moins l’intérêt public que les intérêts privés.

Assuré de l’adhésion des capitalistes, appuyé par le clergé, servi dans son ministère et dans sa cour par la plupart des grandes familles, Joseph prit alors son rôle de roi au sérieux. Il entreprit d’organiser une sorte de garde civique et quelques régimens napolitains pour assurer la sécurité du royaume, tandis qu’il préparait, à l’aide de l’armée française, la soumission des Calabres et la conquête de la Sicile, occupée par les troupes anglaises. Il ne crut pas impossible de se faire accepter à un autre titre que celui de conquérant par un peuple qui n’avait conservé aucun respectueux souvenir du gouvernement précédent, et auquel il apportait des réformes utiles avec des intentions droites et loyales. Tout résolu qu’il était à subordonner ses projets à ceux de l’empereur, dont il ne cessa pas un moment de se considérer comme le sujet le plus soumis, il se persuada que le