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LES



FLEURS DU MAL[1]


 
On dit qu’il faut couler les exécrables choses
Dans le puits de l’oubli et au sépulchre encloses,
Et que par les escrits le mal ressuscité
Infectera les mœurs de la postérité ;
Mais le vice n’a point pour mère la science,
Et la vertu n’est pas fille de l’ignorance.

(Théodore Agrippa d’Aubigné.)



I.

AU LECTEUR.

 
La sottise, l’erreur, le péché, la lésine
Occupent nos esprits et travaillent nos corps,
Et nous alimentons nos aimables remords,
Comme les mendians nourrissent leur vermine.

Nos péchés sont têtus, nos repentirs sont lâches ;
Nous nous faisons payer grassement nos aveux,
Et nous rentrons gaîment dans le chemin bourbeux,
Croyant par de vils pleurs laver toutes nos taches.

  1. En publiant les vers qu’on va lire, nous croyons montrer une fois de plus combien l’esprit qui nous anime est favorable aux essais, aux tentatives dans les sens les plus divers. Ce qui nous paraît ici mériter l’intérêt, c’est l’expression vive et curieuse même dans sa violence de quelques défaillances, de quelques douleurs morales que, sans les partager ni les discuter, on doit tenir à connaître comme un des signes de notre temps. Il nous semble d’ailleurs qu’il est des cas où la publicité n’est pas seulement un encouragement, où elle peut avoir l’influence d’un conseil utile, et appeler le vrai talent à se dégager, à se fortifier, en élargissant ses voies, en étendant son horizon.