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osseuses, le front s’est déprimé, la face s’est allongée en un véritable museau, et l’ensemble présente au plus haut degré le cachet de la bestialité. Ce que nous savons de l’orang est vrai sans doute de tous ces singes que leur ressemblance éloignée et temporaire avec l’homme a fait appeler du nom d’anthropomorphes. A partir d’un certain moment, les transformations qu’ils subissent, loin de les élever, les abaissent, et à ce point de vue ils peuvent être considérés comme présentant un exemple de ce mode d’évolution que M. Edwards a justement désigné par l’expression de développement récurrent.


IV. — PROCÉDÉS GÉNÉRAUX DE LA TRANSFORMATION. — CONCLUSION.

Après avoir esquissé à grands traits et par masses le tableau du développement embryonnaire des animaux en général et des mammifères en particulier, cherchons à ramener l’accomplissement de ces phénomènes à leurs modes les plus généraux. Nous trouverons tout d’abord que la nature, bien moins simple dans ses façons d’agir que ne l’admettent certains philosophes, ne s’est pas astreinte à n’employer qu’un seul procédé pour parfaire les organismes. Bien au contraire, elle en a mis en œuvre plusieurs, et de très différens.

L’épigénèse cependant paraît être le point de départ obligé de toutes les parties du corps. C’est là un fait que nous avons déjà indiqué ailleurs[1], et que le peu de détails donnés aujourd’hui suffit pour mettre hors de doute. La science, armée des instrumens que lui fournit l’industrie moderne, peut affirmer avec certitude que le blastoderme n’existe pas dans l’œuf avant de s’être constitué de toutes pièces avec les élémens du germe. La première trace de l’être futur est donc une formation épigénétique, et ce que nous venons de dire du blastoderme s’applique à tous les organes. Dans la doctrine de Schwann, la multiplication des cellules, considérées comme élémens de tous les tissus, est une véritable épigénèse, et ce mode de formation est peut-être plus évident encore dans les cas nombreux qui échappent à la théorie cellulaire. L’organe apparaît dans le blastème et s’organise aux dépens du sarcode qui le compose, comme la première membrane s’est organisée aux dépens du jaune modifié.

Le centre premier de toutes ces formations épigénétiques est l’aire germinative, dont chaque feuillet, avons-nous dit précédemment, engendre un groupe particulier d’appareils. Chacun de ceux-ci

  1. Souvenirs d’un naturaliste, dans la Revue des Deux Mondes, livraison du 15 mars 1850.