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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/199

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nécessairement avoir pour objet d’abord l’acceptation explicite, nettement formulée de la part de la Russie, des quatre garanties stipulées par les puissances européennes, et en outre l’explication pratique des premières de ces garanties. Ce sont les premières, sans contredit, sur lesquelles il est le plus facile de s’entendre. À vrai dire, sur ces conditions elles-mêmes, comme sur toutes les autres, les difficultés véritables n’apparaîtront que quand il faudra traduire ces stipulations en faits réels et pratiques, quand on en viendra a ces questions de l’organisation des principautés, de l’abolition des traités de la Russie, de l’état des populations orientales, des mesures effectives à prendre pour assurer la libre navigation du Danube. Que sera-ce encore lorsqu’on touchera d la question la plus épineuse, celle de la l’imitation de la puissance russe dans la Mer-Noire ? Cette limitation sans doute peut se réaliser de bien des manières. La destruction de Sébastopol n’est qu’une de ces manières. Est-il bien sur seulement que le choix d’une autre combinaison rallie facilement toutes les volontés ? De tous les moyens qui ont pu se présenter pour atteindre le but final, il est très probable que les puissances n’en ont repoussé aucun, comme aussi elles n’accepteront certainement que celui qui sera pour elles une garantie efficace contre les empiétemens de la Russie.

Ce n’est pas en se réfugient dans l’ambiguïté des termes, ou par quelque demi-mesure, qu’on peut arriver à transformer en une sérieuse réalité politique la condition capitale qui consiste à rattacher l’existence de l’empire ottoman à l’équilibre européen et à faire cesser la prépondérance exercée par la Russie en Orient. Il y a mieux, si les puissances occidentales consentaient à suspendre leurs opérations contre Sébastopol avant la prise de cette ville, ce serait probablement une raison pour que la Russie, de son côté, dût faire des concessions plus formelles, tout au moins équivalentes a celles qu’on lui ferait, et de nature à attester clairement que l’objet de la guerre est atteint. L’Angleterre et la France n’y sont pas seulement intéressées, elles y sont engagées par toutes les considérations de leur situation militaire, et même plus qu’on ne pense peut-être par l’opinion publique. Nous admirons, quant à nous, la facilité et la promptitude avec laquelle on tranche toutes ces questions pleines de périls, avec laquelle on représente la conférence de Vienne comme en voie déjà de s’entendre. Par le fait, on serait peut-être plus près de la vérité, si on disait que le point essentiel n’a pas encore été abordé, qu’aucune discussion n’a été ouverte au sujet de la limitation des forces de la Russie dans la Mer-Noire, et que l’Angleterre et la France n’ont pas même fait connaître ce qu’elles entendent pratiquement par cette condition, de sorte que si, comme on l’a prétendu, les plénipotentiaires russes ont demandé de nouvelles instructions à Petersbourg, c’est de leur propre mouvement, et sans y être obligés par les incidens des négociations. Il faut en conclure que si les délibérations ouvertes à Vienne sont me tentative très sérieuse où les puissances occidentales sont disposées à porter le plus grand esprit de conciliation, cela ne veut point dire que tout soit résolu, et que la paix soit aussi certaine qu’on peut, le croire. La paix malheureusement, avant de devenir une certitude, a plus d’une épreuve sérieuse à traverser encore, et ce n’est point trop de tous les efforts pour travailler à cette œuvre difficile.

La Prusse n’a point voulu cependant coopérer à cette œuvre : c’était s’ex-