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ou nominale une assez grande portion des tribus vendes et slovènes qui avoisinaient la Thuringe, la Saxe et les provinces du Norique ; ils prétendaient même posséder un droit de suzeraineté sur les Vendes de la Carinthie. Vers l’an 630 ou 631, époque des événemens que nous racontons, arriva dans les domaines de Samo une caravane de marchands franks, composée peut-être d’anciens rivaux du roi carinthien ; elle fut attaquée et volée, et, dans la lutte qui s’engagea à cette occasion, plusieurs des marchands furent tués. Une plainte vint de la part de Dagobert, qui envoyait réclamer, avec les marchandises enlevées, la compensation due, suivant la loi des Franks, pour le meurtre des marchands mis à mort. L’ambassade chargée de ce message avait à sa tête une certain Sicharius, homme malhabile, emporté et orgueilleux. Samo, fort embarrassé sans doute d’avoir à punir le vol chez ses sujets, et ne voulant point, d’autre part, rompre directement avec Dagobert, jugea plus commode de ne point entendre l’ambassadeur que de lui répondre par un refus. Sicharius fit tout ce qu’il put pour obtenir audience ; il demanda, il vint lui-même, mais inutilement ; le roi était toujours invisible. Que faire ? Ne voulant pas partir sans rapporter une réponse, Sicharius s’avisa du stratagème le plus étrange qu’ait jamais imaginé un ambassadeur : il acheta des habillemens slaves pour lui et sa suite, et quand ils s’en furent tous affublés, ils se présentèrent à la porte du roi, qui les reçut sans difficulté, les prenant pour (les Slaves. L’entrevue, on le devine aisément, fut peu amicale : Samo, comme un marchand et un païen, nous dit l’auteur naïf où nous puisons cette histoire, refusa toute satisfaction, et Sicharius, comme un sot ambassadeur, répondit au refus par des invectives. Il s’écria dans la discussion que Samo et son peuple devaient obéissance à Dagobert. « Volontiers, reprit Samo ; le pays que nous possédons est à Dagobert et nous sommes à lui, à la condition qu’il voudra bien vivre en amitié avec nous. » Sur quoi Sicharius rétorqua aigrement qu’il n’était pas possible à des chrétiens serviteurs de Dieu de vivre en amitié avec des chiens. — « Eh bien donc ! dit Samo tout hors de lui, si vous êtes les serviteurs de Dieu et si nous sommes des chiens, nous avons reçu la permission de vous mordre, car vous êtes de mauvais serviteurs qui ne cessez d’offenser votre maître. » Là dessus il chassa Sicharius de sa présence. La guerre s’ouvrit donc entre les Vendes de Carinthie et les Franks ; trois armées descendirent successivement d’Austrasie et de Bavière dans les vallées des Slaves, et furent battues ; puis le marchand, prenant l’offensive à son tour, remporta une victoire signalée sur les meilleures troupes des Franks, près du château de Wogastiburg ou Woitsberg. Samo devint, par suite de cette victoire, un roi avec qui Héraclius put s’allier sans