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épouse, maintes apparitions lumineuses, surtout chez ces peuples du Nord, qui, ayant déjà le culte de la femme dans leurs traditions, allaient le développer encore sous l’influence des idées chrétiennes. Nous avons vu, à côté de Prémysl, la grâce mythologique de Libusa et de ses deux sœurs ; quelle grâce plus haute encore chez la femme de Boriwoj, chez cette sainte Ludmila, dont l’âme revivra bientôt dans son petit-fils, saint Wenceslas ! M. Palacky sait donner un vif attrait à ces tableaux ; il déroule avec art les événemens de cette période confuse : la conversion des Tchèques au christianisme ; peu de temps après, l’invasion des Magyars et leur établissement en Hongrie, le plus grand malheur, — s’écrie l’auteur avec une tristesse expressive, — le plus grand malheur qui ait jamais frappé les Slaves ; puis les règnes des premiers ducs chrétiens, l’assassinat de saint Wenceslas par Boleslas, son frère ; les alternatives d’éclat et d’ombre, de grandeur et de faiblesse dans les destinées extérieures du pays ; les jalousies et les hostilités de la race allemande à mesure que la Bohème se consolide ; le développement de l’église, l’institution des évêchés, les fondations d’abbayes ; puis encore les disputes intestines, les compétitions au trône, les petits-fils de Prémysl déchirant le sein de la patrie jusqu’au jour où Ottocar Ier relève la Bohême chancelante, et, par une politique aussi glorieuse qu’habile, fait admettre le vieux duché slave parmi les royautés de l’Europe chrétienne.

On a remarqué souvent l’unité qui préside aux destinées générales de l’Europe. Malgré la diversité des races, il semble que ce soit, sous des noms différens, une seule et même histoire. Chaque peuple y conserve ses allures, et cependant, si l’on s’attache à l’ensemble des choses, ils suivent tous un même mouvement et subissent des transformations analogues. Ainsi, après les laborieux efforts qui remplissent l’enfance du monde moderne, tous les peuples de l’Europe, peuples de race romane et de race germanique, arrivent à une période d’éclat où l’inspiration particulière du pays et du temps se personnifie dans un grand règne ; au nord et au midi, le XIIIe siècle est le siècle glorieux du moyen âge. L’histoire de la Bohême nous offre une nouvelle confirmation de ce fait. Ce qu’ont été saint Louis en France, Edouard Ier en Angleterre, Frédéric II en Allemagne, Alphonse X en Espagne et Innocent III dans la chaire de saint Pierre, Prémysl-Ottocar II l’a été en Bohême. Quel éclat inattendu ! Ottocar II n’était pas seulement roi de Bohême, il était duc d’Autriche, duc de Styrie et de Carinthie, margrave de Moravie et seigneur de Carniole. Son royaume s’étendait des monts Carpathes jusqu’à l’Adriatique. Vainqueur des Hongrois en maintes batailles, chef d’une croisade contre les païens de l’Esthonie et de la Courlande, il