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corps legislatif enfin a couronné sa session par le vote du budget de l’année prochaine. Dans quelles conditions se présente ce budget ? Les dépenses sont évaluées à 1,598 millions, et les recettes à 1,601 millions. C’est la le budget ordinaire dans lequel ne sont pas comprises les dépenses nécessitées par la guerre. Ces dépenses n’entrent dans la loi des finances que pour le chiffre des intérêts des deux emprunts : c’est désormais une charge annuelle de 35 millions ; aussi la commission du corps législatif s’est-elle crue autorisée à conseiller les économies. Le budget a été du reste l’objet d’une sérieuse élaboration dans la commission et d’un consciencieux rapport de son organe, M. de Richemont. Le rapporteur du corps législatif a traité les diverses questions qui se rattachent à la situation des finances. Il a insisté sur l’inconvénient qu’il y aurait à aggraver l’impôt foncier, et il en donne une raison qui touche à l’ensemble même de l’état politique et économique du pays : c’est que l’argent s’éloigne de plus en plus de la terre pour se jeter sur toutes les valeurs mobilières ; il se distribue dans toutes les opérations de l’industrie et du commerce. Ce qu’il gagne en mobilité, en flexibilité, malheureusement il le perd en solidité, et n’est-ce point la encore un signe parlant de notre époque ?

Le présent, avec ses caractères et ses problèmes, n’est qu’une continuation du passé ; l’enchaînement de ces problèmes, de ces caractères, c’est l’histoire même, à laquelle s’ajoutent sans cesse de nouveau faits. Or il y a une histoire aussi curieuse, aussi remplie d’attrait et parfois aussi agitée que celle des faits : c’est celle des idées, des sentimens et des passions de l’âme humaine. La vie sociale est le champ de bataille où ces sentimens et ces passions se livrent un éternel combat ; la littérature est la forme sous laquelle ils s’expriment, et comme cette expression varie avec le temps, avec les civilisations, avec les peuples, c’est tout un monde idéal qui vit à cote du monde réel ; c’est l’histoire de ce que les hommes ont pensé, ont senti à cote de l’histoire de ce qu’ils ont fait. M. Saint-Marc Girardin est à coup sur un des plus fins et des plus ingénieux explorateurs de ce monde de l’esprit, et c’est un explorateur qui ne ressemble à aucun autre. Il ne se confond point avec les novateurs : la sévérité de son goût est comme le bouclier de son intelligence ; il se confond moins encore peut-être avec les analystes didactiques. Il a mille diversions instructives ou piquantes, où se reflète l’originalité d’une intelligence lumineuse et sensée. L’idée même du Cours de littérature dramatique, dont il publie le troisième volume aujourd’hui, est une donnée simple et féconde, favorable à tous les développemens heureux : c’est l’histoire des passions dans le drame, et comme pour ajouter à l’imprévu, ce troisième volume d’un Cours de littérature dramatique est en grande partie l’histoire des passions dans le roman et dans la pastorale. C’est qu’en effet le sujet des études pleines d’intérêt de M. Saint-Marc Girardin, ce n’est point telle ou telle forme littéraire, c’est l’âme humaine elle-même. Qu’a éprouve l’âme humaine dans l’antiquité ou depuis le christianisme ? comment a-t-elle exprimé ses émotions ? quel a été le caractère du sentiment paternel et maternel ? comment se sont produits tous ces sentimens divers, la piété filiale, le culte des morts, le dégoût de la vie, l’amour dans ses nuances infinies ? C’est là le