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corps armés. Quoi donc ! s’il se fût trouvé dans le congrès une majorité pour voter contre la loi proposée par le gouvernement, la milice nationale eût été investie du droit d’intervenir dans la politique et de désigner ou de renverser des ministères ? Heureusement la majorité des cortès s’est prononcée en faveur du gouvernement, et la loi a été votée. Il y a eu cependant à Madrid des rassemblemens et des scènes tumultueuses qui se sont reproduits plusieurs jours de suite pendant la discussion, et qui auraient pu dégénérer en conflits plus sérieux. La manifestation des officiers de la milice nationale qui a donné lieu à la présentation de la loi et aux scènes qui ont suivi avait néanmoins un sens instructif. Elle ne signifiait proprement rien contre les ministres mis en cause, mais elle prouvait que le gouvernement manquait d’initiative, que dans une situation pleine de périls il restait inactif. Maintenant le changement de quelques ministres donnerait-il au cabinet de Madrid ce qui lui manque ? Cela est fort douteux, et pourtant l’Espagne se trouve en ce moment sans constitution, sans lois administratives, avec des dangers de commotions politiques qui peuvent se révéler a chaque instant, et avec des finances que l’esprit du ministre, M. Madoz, tout inventif qu’il soit, n’est pas parvenu à relever, malgré des expédiens qui retomberont en charges nouvelles sur le pays.


CH. DE MAZADE.


REVUE MUSICALE.

La saison musicale approche de sa fin. Le Théâtre-Italien a déjà fermé ses portes, et, malgré les promesses de nouveautés dont il avait rempli son programme au commencement de l’année, la campagne qu’il vient de terminer n’aura pas été aussi brillante ni aussi fructueuse qu’on avait pu l’espérer. Les temps sont difficiles pour la musique italienne. Deux seuls ouvrages ont attiré l’attention du public : Matilde de Shabran de Rossini, et il Trovatore de M. Verdi. Dans le délicieux pasticcio de l’auteur du Barbier de Séville, qui ne compte dans son œuvre que comme un caprice du génie, Mme Bosio et Mme Borghi-Mamo se sont élevées presque au premier rang des cantatrices di mezzo carattere. Si Mme Bosio, dont la voix de soprano aigu manque souvent de rondeur et de puissance, surtout dans le médium, pouvait avoir une imagination plus inventive dans ses gorgheggi, et ne point reproduire incessamment les mêmes dessins dans sa vocalisation, d’une fluidité parfois extrême, elle parviendrait à satisfaire les plus difficiles. Mme Borghi-Mamo, moins heureusement douée du côté du physique, possède une voix de mezzo-soprano d’un timbre charmant et une sensibilité de bon aloi qui nous a souvent rappelé Mme Pasta. Dans le duo du troisième acte, no, Matilde, non morrai, elles ont été ravissantes toutes les deux, et nous ont offert une de