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Perse, par les Ptolémées, par les césars, par les kalifes, a-t-il cessé d’occuper le monde? Sésostris (Rhamsès II), Necos, Darius, Ptolémée Philadelphe, Trajan, Adrien, Omar, et dans ces derniers temps Napoléon, ces puissans souverains, ces grands esprits, ont-ils donc poursuivi une entreprise inutile ou chimérique? Comment, après tant de travaux et d’efforts, la barrière entre les deux mers existe-t-elle encore? En quoi consistent les tentatives faites depuis Rhamsès le Grand pour la franchir ? Quels en ont été les résultats? Quelles sont les difficultés qui en ont entravé le succès ou anéanti les traces? Quels obstacles en ont empêché le renouvellement dans les temps modernes? C’est ce que je me propose d’examiner dans la première partie de ce travail aussi succinctement que le permettent les complications de la question et la multiplicité des faits. Dans la seconde partie, j’exposerai, d’après des études récentes, les données réelles du problème à résoudre et les diverses solutions dont il est susceptible; j’apprécierai les difficultés propres à chaque solution, et je discuterai la valeur des objections que soulève le projet d’un grand canal maritime.


I. — DESCRIPTION DE L’ISTHME.

La Basse-Egypte est si bien connue, qu’une description détaillée serait ici superflue; je me bornerai donc à rappeler celles des dispositions principales des lieux qui ont trait à la question qui nous occupe.

L’immense plaine qui termine la vallée inférieure du Nil forme, comme chacun sait, un triangle dont le sommet est au Caire, et au quel la côte maritime d’Alexandrie à Peluse sert de base. Il est probable qu’à une époque bien antérieure aux temps historiques ce vaste espace n’était qu’une immense et profonde baie qui, selon toute apparence, communiquait avec la Mer-Rouge par un détroit ou bosphore ouvert entre les pentes extrêmes des deux chaînes de Montagnes qui bordent les rives de cette mer. Ce détroit, où l’inégalité des marées dans les deux mers qu’il mettait en communication devait entretenir des courans très prononcés, ayant été intercepté, il n’en reste d’autre trace que le vaste et profond bassin des lacs amers, qui occupe, sur une longueur de 40 kilomètres, la partie centrale de l’isthme de Suez. Au sud, ce bassin est séparé de la Mer-Rouge par un isthme d’environ 15 kilomètres de largeur, et dont la hauteur n’excède guère celle des hautes mers; au nord, il est limité par une langue de terre beaucoup plus étroite (5 ou 6 kilomètres seulement) et plus élevée de 4 ou 5 mètres. Au-delà, on remarque une autre dépression (le lac Timsah) qui communique avec le Delta par une