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D’après Strabon, qui est de beaucoup l’auteur le plus explicite sur la disposition du tracé, « ce canal aurait, selon quelques-uns, été creusé par Sésostris avant la guerre de Troie ; selon d’autres, il aurait été commencé par Psammitichus fils, continué par Darius, qui l’aurait abandonné, quoique presque achevé, parce que, dit Strabon, on lui avait persuadé à tort que la Mer-Rouge était plus élevée que l’Egypte. Les Ptolémées, qui le firent couper, firent construire un euripe ou barrière fermée qui permettait une navigation facile du canal intérieur dans la mer, et réciproquement. » Strabon ajoute ces paroles remarquables : « Le canal se jette dans la Mer-Rouge à Arsinoé, que quelques-uns appellent Cléopatris, et coule à travers les lacs dont les eaux, qui étaient amères, sont devenues douces par la communication avec le fleuve. Aujourd’hui ces lacs produisent de bons poissons et abondent en oiseaux aquatiques. L’origine du canal est au bourg de Phacusa, près de Philon, vers la côte du Delta, à l’ouest de Bubastis. Près d’Arsinoé, on trouve la ville des Héros (Heroopolis). »

Enfin voici le texte de Pline : « Après le golfe Sanique, on trouve le golfe d’Œant, dans lequel est située la ville des Héros. On trouve encore le port de Dancon, d’où sort un canal navigable qui conduit au Nil, en parcourant, de ce point jusque dans le Delta, l’espace de LXII MP, ce qui est la distance qu’il y a entre le fleuve et la Mer-Rouge. Sésostris en conçut anciennement le projet ; Darius eut le même dessein ; ensuite Ptolémée II fit creuser le canal en lui donnant 100 pieds au moins de largeur, 30 pieds de profondeur, et XXX VII MP, 10 de longueur, jusqu’aux sources amères, où l’on s’arrêta de peur d’inonder le pays, la Mer-Rouge ayant été trouvée en cet endroit supérieure de trois coudées au sol de l’Égypte. Quelques auteurs en donnent une autre raison : on craignit de gâter par cette communication les eaux du Nil, fleuve qui seul en Égypte donne des eaux potables. »

Ces textes ont été interprétés très diversement. Il n’est en effet aucune opinion qui n’ait ses partisans : les uns soutiennent que le canal a été non-seulement entrepris, mais achevé par Sésostris ; les autres, qu’il n’a point été complété et qu’il n’a jamais servi. Entre ces deux opinions extrêmes, on rencontre tous les systèmes, toutes les hypothèses intermédiaires qu’il est possible d’imaginer.

Les auteurs qui attribuent le premier canal à Sésostris (Rhamsès II le Grand, Meiamoun, 1535 ans avant Jésus-Christ) sont en petit nombre ; cette opinion est toutefois soutenue par l’un des plus profonds égyptologues de notre temps, par sir Gardner Wilkinson, dont l’autorité est si grande en cette matière. Ce savant a même apporté à cette opinion l’appui d’un fait nouveau, en découvrant dans