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générale, se frappèrent la poitrine et demandèrent pardon à Dieu de leurs péchés passés. À leur suite, le public se couvrit la tête de cendres et se mit à déplorer ses erreurs anciennes. On poussa les choses à l’extrême, ainsi qu’il est d’habitude en France, et on appela l’autorité avec autant de force qu’on avait naguère appelé la liberté.

Le XVIIIe siècle était donc abandonné ; mais si les doctrines révolutionnaires étaient désavouées, quelles seraient désormais les doctrines qui guideraient les destinées de la France ? Le catholicisme, qui, comme doctrine, n’avait eu pendant les vingt années précédentes qu’une faible influence, se redressa naturellement et prit possession du terrain abandonné par la révolution. Il ne pouvait en être autrement. La France, comme tous les pays latins, est condamnée, à ce qu’il semble, à être longtemps ballottée entre le XVIIIe siècle et le catholicisme, ou, pour employer l’expression très énergique de Diderot à propos de Rousseau, à aller de l’athéisme au baptême des cloches et réciproquement. Quel chaos moral, quelles faussetés et quelles perversités de jugement, quel scepticisme, quelle lassitude, quel dégoût de toute croyance, et finalement quelle impuissance politique, philosophique, religieuse, peuvent produire les violentes oscillations de ces deux doctrines, ennemies absolument irréconciliables ! ( c’est ce que nous savons trop. Il faut à une nation, pour résister à ces secousses périodiques, la souplesse et l’élasticité, le subtil bon sens de la France. Grâce à ces qualités, notre nation fait encore assez bonne figure dans le monde ; mais chez les autres peuples latins, quelle confusion, quel délire ! La tête n’y est plus. Voyez l’Italie moderne, où le culte de la madone et de saint Janvier se mêle aux idées de Dupuis et de Volney, où l’athéisme vit à côté de la superstition ! Voyez l’Espagne violemment révolutionnaire et non moins violemment catholique, où les représentans de la nation passent, dans une même séance des cortès, des idées de Rousseau à la doctrine de la religion d’état !

Ainsi remis par la révolution de février en possession de tout ce qu’il avait perdu, le catholicisme s’offrit à nous non-seulement comme doctrine religieuse, mais comme principe politique, et malheureusement sous sa forme la moins française, l’ultramontanisme. Cette dernière doctrine, objet de l’antipathie traditionnelle de la France, contre laquelle elle avait toujours protesté, contre laquelle elle s’était donné des garanties, se présentait donc pour la gouverner. Le public s’émut de nouveau. Alors commença une lutte d’articles de journaux et de pamphlets. L’ultramontanisme avait été imprudent : il avait déclaré hardiment la guerre à l’humanité des trois derniers siècles, il avait demandé l’extermination de la réforme, de la renaissance et de la révolution. Il avait soulevé les questions les plus étranges et les plus