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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/742

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l’oligarchie, pour être moins gigantesques que celles du despotisme, sont plus réellement grandes, ainsi que le prouve l’exemple de Rome républicaine, de Venise et de l’Angleterre.

Après l’établissement universel du despotisme, le fait dominant au XVIIIe siècle, c’est le règne de l’athéisme ; l’un était la conséquence de l’autre. Nous n’entendons pas par athéisme la simple négation d’un Dieu personnel et dont la Providence régit le monde ; nous donnons à ce mot une plus grande extension : nous entendons par athéisme toute doctrine qui repose sur un fondement purement humain, qui prend sa source dans l’homme même et qui n’a que lui en vue. Nous entendons par état athée tout état où la loi politique est la loi suprême et n’est pas une conséquence de la foi nationale. Cet athéisme fut celui que prêcha le XVIIIe siècle. Ses doctrines n’eurent en vue que la terre. Elles grandirent et devaient naturellement grandir chez des peuples où l’édifice ecclésiastique avait toujours été intimement uni aux croyances religieuses, mieux encore, identifié avec elles. L’église extérieure était la religion, et la religion était l’église extérieure. Lorsque l’une déclina, l’autre déclina en même temps, et la décadente d’une institution visible, matérielle, fut le signal de la décadence de la religion. À chaque pierre qui tombait de l’édifice ecclésiastique en dissolution, une croyance se détachait de l’âme du peuple. Une fois que le prêtre n’eut plus aucun pouvoir, le peuple n’eut plus de Dieu. C’est là, dans cet athéisme plus encore que dans les violences du pouvoir laïque, que le clergé trouva sa punition. Il avait voulu être tout à la fois la loi et les prophètes ; il avait identifié la religion avec lui, il avait habitué les peuples à ne pas séparer la religion de la personne du prêtre, il s’était posé comme l’intermédiaire nécessaire entre Dieu et le peuple. Lorsqu’il disparut, Dieu disparut également. Le peuple n’eut plus aucune idée morale. La réforme de la France dut donc s’accomplir tout au rebours de la réforme du XVIe siècle, par l’athéisme ; mais il est curieux d’observer combien la révolution du XVIIIe siècle, qui s’attaque si violemment au catholicisme, emploie ses méthodes et ses procédés. Comme lui, elle procède volontiers par formules générales et abstraites, et ne tient aucun compte de la vie et de ses manifestations infinies. Comme lui, elle ignore ou veut ignorer la puissance de l’âme individuelle, et elle aura au besoin la prétention de pouvoir étouffer les protestations de l’individu, au nom soit du témoignage universel, soit du salut de l’état. Comme lui, elle voudrait façonner le monde entier sur un moule unique et ne tient aucun compte de ce qui la gêne et la contredit. Comme lui, elle ne voit que le côté extérieur des choses et voudrait tout transformer en institutions. Elle diffère de lui toutefois par son inhabileté absolue à trouver des expédions ingénieux, des moyens termes et des compromis, et aussi par son