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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/98

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cause première la vie qui anime la matière, qui démolit et reconstruit sans cesse, à l’aide du tourbillon vital, ces édifices merveilleux que nous appelons les êtres vivans.

Nous avons dit ailleurs comment il faut traduire la fameuse phrase, — omne vivum ex ovo[1]. — Tout être vivant, par conséquent tout animal, provient d’un germe. Avec l’organisation de ce germe commence une série de transformations générales ou partielles, rapides ou lentes, qui ne prend fin qu’avec la vie. Ainsi l’aphorisme de Harvey conduit nécessairement à cet autre : — tout être vivant subit des métamorphoses. — Au fond, celles-ci sont dues à la même cause, opérées par le même procédé. Y voir des faits d’ordres divers, parce qu’elles sont un peu plus ou un peu moins faciles à constater, ne serait ni scientifique ni vrai. C’est là ce qu’avaient senti et exprimé plus ou moins clairement quelques naturalistes modernes, et surtout Dugès, Carus et Burdach; mais M. Duvernoy le premier a compris toute la valeur de cette idée, et l’a systématisée par son enseignement et ses écrits. Dès 1841, ce naturaliste prenait pour texte de son cours au Collège de France les métamorphoses. Partageant l’existence entière de tout animal en cinq époques distinctes, il comparait les espèces à elles-mêmes et les divers groupes entre eux, à ces cinq époques, sous le triple point de vue des formes extérieures, de l’organisation interne et de l’accomplissement des fonctions. Quatre années suffirent à peine pour remplir ce cadre immense, le plus propre sans contredit à donner une idée complète du règne animal. Nous ne saurions, on le voit, nous engager sur les traces du savant professeur; l’espace nous manquerait. D’ailleurs, depuis cette époque, la science a enregistré bien des faits nouveaux, et les doctrines d’il y a dix ans ont dû se modifier en bien des choses. Nous avions seulement à cœur de dire qu’en assimilant aux métamorphoses proprement dites les faits embryogéniques et tous les changemens éprouvés par les organismes les plus stables, nous ne venons que longtemps après M. Duvernoy[2].

Toutefois il faut s’entendre. Les animaux, c’est un fait que nous

  1. Revue des Deux Mondes, livraison du 15 mars 1850.
  2. Les lignes qui précèdent étaient écrites depuis plus d’un mois, lorsque M. Duvernoy a succombé à la suite d’une maladie qui depuis longtemps inquiétait ses nombreux amis. Compatriote et collaborateur de Cuvier, M. Duvernoy, très jeune encore, avait, de compagnie avec M. Duméril, attaché son nom à un des grands monumens scientifiques du siècle, à l’Anatomie comparée. Il fut alors nommé professeur à la Sorbonne, mais ne tarda pas à donner sa démission. Après une assez longue interruption déterminée par des raisons de famille, il rentra dans la science et dans l’enseignement comme professeur de zoologie à la faculté de Strasbourg. Puis, appelé successivement au Collège de France et au Muséum, il occupa les deux chaires principales de son illustre maître. il sut y conserver dignement les traditions dont il était le représentant. Peu d’hommes ont donné à la science des preuves aussi nombreuses d’un dévouement sincère et actif. On peut dire de M. Duvernoy qu’il est mort au champ d’honneur, car, presque à la veille de sa mort et malgré les observations de ses médecins, il corrigeait encore les épreuves d’un travail très important sur l’ensemble des singes anthropomorphes et en particulier sur le gorille. M. Duméril, qui, malgré son grand âge et les rigueurs de la saison, a voulu accompagner jusqu’à Montbéliard les restes de son vieil ami, a déjà fait connaître avec détail ce que fut cette vie si bien remplie ; mais j’ai cru pouvoir consacrer au moins une note à celui dont les leçons, en m’inspirant le goût de la zoologie, m’ont sans doute conduit à l’Institut.