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Israël essaya encore de répondre, mais il ne put. Que pouvait-il dire ? Pouvait-il mentir au roi ?

— Oui, oui, vous appartenez à cette race obstinée, très obstinée, très obstinée. Qui vous a conduit ici ?

— La fortune de la guerre, monsieur.

— Que votre majesté me pardonne ! dit une voix ; cet homme se trouve là contre les ordres donnés ; il y a sans doute quelque méprise. Allez-vous-en, imbécile !

C’était un des jardiniers qui parlait ainsi. Il paraît qu’Israël avait mal compris ce matin-là les ordres qui lui avaient été donnés.

— Allez-vous-en donc ! cria de nouveau le jardinier. C’est une méprise certainement, je l’assure à votre majesté.

— Allez-vous-en, allez-vous-en vous-même, reprit le roi, et laissez-moi avec cet homme.

Le roi attendit un instant que le jardinier fût parti, et se tournant de nouveau vers Israël : — Vous étiez à Bunker-Hill ? ce sanglant Bunker-Hill ! — Eh ! eh !

— Oui, monsieur.

— Et vous vous êtes battu comme un diable, comme un véritable diable, je suppose ?

— Oui, monsieur.

— Et vous avez aidé à tuer mes soldats, eh ?

— Oui, monsieur, mais avec bien de la douleur.

— Eh ! — eh ! — Comment cela ?

— Je considérais cela comme mon triste devoir, monsieur.

— Vous vous êtes trompé, grandement trompé. Pourquoi m’appelez-vous monsieur ? Je suis votre roi, votre roi !

Monsieur, dit fièrement Israël, mais avec un profond respect, je n’ai pas de roi.

Le roi lui lança un regard furieux, mais Israël resta immobile et dans une attitude de silencieux respect. Le roi s’éloigna, puis revenant brusquement sur ses pas : — On dit que vous êtes un espion, — un espion ou quelque chose d’approchant ; est-ce vrai ? Non, je sais que vous ne l’êtes pas. Vous êtes un prisonnier de guerre évadé, et vous avez cherché ce lieu-ci comme l’asile le plus sur contre les poursuites, eh ! eh ! N’est-ce pas vrai ? eh ! eh ! eh !

— Cela est vrai, monsieur.

— Bien, vous êtes un honnête rebelle, — rebelle, oui, rebelle : écoutez un peu, écoutez, ne parlez à personne de notre conversation. Écoutez encore. Aussi longtemps que vous resterez à Kew, j’aurai soin que vous y soyez en sûreté, en sûreté.

— Dieu bénisse votre majesté !

— Eh ?

— Dieu bénisse votre noble majesté !