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ni de dérangement dans les fonctions sans un dérangement correspondant dans les organes : voilà le principe fondamental de la théorie inaugurée par Morgagni, que la plupart des médecins de l’école de Paris admettent aujourd’hui, et dont Bichat est le représentant le plus illustre. C’est, on le voit, un principe tout à fait contraire à ceux qui dirigent l’école de Montpellier. L’œuvre du médecin doit donc être, avant tout, de déterminer le siège de la maladie, et d’appliquer les remèdes à la partie affectée. Il n’y a pas de maladies alors, à parler en ligueur ; il n’y a que des malades, et dans ces malades il n’y a que des organes souffrans. Aussi, lorsqu’on veut désigner par des noms toutes les maladies, est-on obligé d’imiter les médecins de Cnide et de multiplier les espèces et les genres.

Ainsi à Paris les maladies ne sont pas des êtres comme à Montpellier, et, malgré le langage vulgaire qui favorise encore cette supposition, elles n’ont pas une existence indépendante des organes qu’elles affectent. La fièvre typhoïde est pour les uns un principe qui attaque l’homme et qui trahit sa présence par un certain groupe de symptômes dont quelques-uns peuvent varier, mais dont les plus graves sont toujours les mêmes. Pour les autres, c’est une altération physique de l’intestin. Il en est de même de toutes les maladies. Si pour quelques-unes on n’a pas encore découvert l’organe attaqué, c’est que l’on a mal cherché, et l’on doit finir par le découvrir. Quant à la nature de cette altération, elle n’est pas encore précisée. Pour Broussais, c’était toujours une irritation ; pour d’autres, c’est tantôt une irritation, tantôt une autre altération physique ; pour une école enfin qui eut un grand succès à la fin du siècle dernier, c’est toujours un phénomène chimique, une putréfaction, une fermentation, une combinaison ou une décomposition quelconque. À cette doctrine, dans les détails de laquelle je ne veux pas entrer, on a fait une objection : comment une maladie produit-elle la mort, lorsqu’elle n’attaque pas l’organe essentiel de la vie ? Comment peut-on mourir d’une hépatite ou d’une fièvre typhoïde, si l’hépatite et la fièvre typhoïde ne sont que des altérations du foie et de la membrane qui revêt l’intestin ? La seule manière de se tirer de cette difficulté, c’est d’admettre ce qu’on appelle la sympathie, c’est-à-dire une propriété que possèdent les tissus organiques de se transmettre les uns aux autres leurs altérations, de les conduire comme le fer conduit l’électricité. Une affection d’un organe peu important peut être ainsi transmise à un organe essentiel et produire la mort. Les nerfs sont les conducteurs de cette sympathie, dont les effets s’observent journellement. Ainsi la maladie d’un œil passe en général à l’autre ; un homme blessé à la tête est sans cesse affecté d’abcès au foie ; il est difficile de ne pas répéter avec un membre les mouvemens exécutés par l’autre, etc. Il est vrai que cela