Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 11.djvu/957

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

poitrines ; les deux mains des bras les plus rapprochés du corps sont jointes et dans l’attitude de la prière ; la main gauche des autres bras tient une rose, la droite un collier de perles d’or. La feuille qui suit le portrait de Schigemune, et qui sans doute, dit M. Hansteen, contient la description du type divin, est noire et gravée en caractères d’or ; les pages qui suivent les trois autres portraits sont noires aussi, mais tracées seulement en lettres bleues. Tout le reste de l’ouvrage est imprimé en noir sur un papier blanc très ferme et très épais. La couverture du livre est revêtue d’une forte soie bleue brodée de figures. En un mot, dit le voyageur, c’est un véritable exemplaire de luxe, et le lama qui l’a livré aux instances du négociant anglais a dû subir une punition sévère.

Si les lamas n’abandonnent pas volontiers à des regards profanes les livres sacrés du culte, il ne paraît pas qu’ils ferment leurs temples aux chrétiens. Il est vrai que les lamas dont je parle sont sujets russes. M. Hansteen et M. Hill ont visité tous deux, à dix-huit ans de distance, un des lamas supérieurs de la Sibérie méridionale, le chomba-lama de la steppe de Selenginsk, et tous deux ont été accueillis avec des honneurs extraordinaires. Ce chomba-lama est le grand-prêtre des Bouriates, une tribu mongole qui habite les steppes situées au-dessous du lac Baikal. « Il était prévenu de notre arrivée, dit M. Hansteen, et il savait que nous devions assister aux cérémonies du culte. Nous fûmes accueillis par trois cents lamas qui, revêtus de leurs ornemens sacerdotaux et armés de leurs bizarres instrumens de cuivre, nous saluèrent d’une musique à nous rendre sourds. C’étaient des gongs gigantesques, des triangles, de longues lattes de laque surmontées d’un cercle de bois où l’on voyait le soleil et la lune et toute sorte de figures singulières. Les lamas, rangés sur deux files devant la demeure de leur chef, formaient la haie pour nous recevoir. Quand nous eûmes passé le seuil, nous aperçûmes en haut de l’escalier un grand et vigoureux personnage qui venait à notre rencontre : c’était le chomba-lama. Il portait un caftan de velours rouge ; une belle médaille d’or, suspendue à son cou par un ruban vert, brillait sur sa poitrine. On y voyait, au milieu d’un cercle de diamans, l’effigie du tsar Nicolas. Après nous être entretenus quelques instans avec le chomba-lama à l’aide de deux interprètes, — l’un des deux traduisait nos paroles de l’allemand en russe, l’autre les traduisait de la langue russe en langue mongole, — nous fûmes introduits dans le temple où le service divin allait être célébré. Les lamas, placés sur quatre rangs le long des colonnes du sanctuaire, occupaient tout l’espace depuis le seuil jusqu’à l’autel. Les instrumens se mirent en branle, et la cérémonie religieuse s’accomplit. Nous retournâmes ensuite auprès du chomba-lama, qui