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à évaluer la masse entière d’une comète à quelques kilogrammes, peut-être menti à quelques décagrammes ! Et cela très sérieusement.

Dans les révolutions des astres autour d’un centre attirant, toute particule repasse toujours constamment par le même point à chaque révolution. Si toutes les parties disséminées d’une comète faisaient le tour du soleil dans le même temps, elles se retrouveraient ensemble dans le voisinage de l’astre central. Malheureusement les parties les plus éloignées du soleil mettent bien plus de temps à accomplir leur révolution que les parties les plus voisines, Elles ne reviendront donc pas ensemble au point le plus voisin du soleil, et leur dissémination se maintiendra. Il y a cependant une curieuse remarque à faire. Si, au bout d’un grand nombre de révolutions, il arrivait que la majeure partie des particules cométaires se retrouvât ensemble près du soleil, parce que celles qui vont le plus vite auraient fait quelques révolutions de plus que les plus lentes, cette circonstance pourrait recomposer en partie le noyau cométaire et lui redonner une forme arrondie. Comme une circonstance si exceptionnelle est en elle-même peu probable à cause des diverses distances au soleil de chaque particule disséminée, on doit penser que la comète une fois perdue par dissémination l’est sans aucun doute pour toujours, et qu’elle sera invisible à tout jamais.

Quant aux autres cas de disparition de comètes, il y a eu la comète de 1770, calculée par Lexell, dont elle porte le nom, et que les Anglais appellent quelquefois la comète perdue (the lost comet) ; mais si cette comète a disparu, elle avait de bonnes raisons pour cela : elle avait passé dans le voisinage de la puissante planète Jupiter, qui, faussant son orbite, l’avait lancée sans retour dans les profondeurs du ciel. Je trouve bien encore dans les archives de l’astronomie cométaire quatre ou cinq comètes qui n’ont point été retrouvées, mais pour lesquelles on peut admettre qu’elles avaient été mal observées, et par suite imparfaitement calculées. De plus, ces comètes étaient de celles dont la lumière est excessivement faible. Je ne m’arrêterai point à ces détails, et je dirai que la comète de Vico est la seule qui, sans cause aucune, a fait pour ainsi dire naufrage dans le port, et dont on ne peut guère rendre raison autrement que par la dissémination dont j’ai développé l’origine. Au reste, si le nom de Vico doit tirer quelque honneur de la comète à laquelle on l’a imposé, l’attention des hommes sera bien mieux appelée sur ce nom par le fait de sa singulière disparition, qu’elle ne l’eût été par cent révolutions non accompagnées de circonstances si extraordinaires. La renommée de Vico n’y aura rien perdu, pas plus que celle de Lexell n’a perdu au non retour de sa comète, qui a littéralement brillé par non absence au profit de l’astronome calculateur.

Je ne finirai pas cet article sur les comètes sans recommander aux lecteurs de la Revue un livre entier très curieux sur les comètes, qui se trouve dans l’Astronomie populaire d’Arago, nouvellement publiée. Quoique rien de ce que contient cette étude ne se trouve traité dans celle d’Arago, le grand nombre de questions importantes qui y sont abordées en fait un ouvrage d’un grand mérite, et qu’Arago lui seul pouvait composer. Seulement on y remarquera que l’auteur revient aux préjugés de l’école qu’il avait adoptés dans son enfance. Il fait les comètes beaucoup trop massives, et il examine sérieusement la catastrophe résultant du passage d’une comète qui entraînerait