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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/231

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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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30 septembre 1855.

L’Europe est à peine remise de la longue et virile émotion laissée par la chute de Sébastopol. L’opinion des peuples ne s’y est point trompée ; elle est allée droit au résultat, elle en a saisi la grandeur avant même de savoir comment le foudroyant dénomment s’était accompli, et il s’est trouvé que plus la lumière s’est faite sur cette terrible action de guerre, que mieux on a pu la suivre dans ses détails, dans son plan et dans sa marche invincible, plus aussi la première impression s’est fortifiée. Si Sébastopol eût cédé, il y a un an, au premier effort de nos soldats, si la ville eût pu être emportée par un coup de main heureux au lendemain d’un débarquement, après cette courte et glorieuse halte de l’Alma, peut-être aurait-on été fondé à croire que ce qu’on nommait la force de la Russie était tout au moins une force d’ostentation, et que de la part de l’empereur Nicolas il y avait peu de prévoyance pour des desseins si superbes. La puissance réelle n’eût pas répondu à l’ambition. La citadelle de la Russie dans la Mer-Noire est tombée après une année de travaux gigantesques, et la longueur du siège, l’immensité des moyens de guerre qu’il a fallu employer, l’accumulation des ressources qui ont servi à défendre ces murs, l’opiniâtreté de cette résistance, qui n’a pu être surpassée que par l’indomptable obstination de l’attaque, tout démontre qu’il y avait là un foyer d’agression à détruire, un prestige à dissiper, une politique à vaincre et à désarmer. C’est ce qu’a fait la journée du 8 septembre. Militairement, le siège est fini, les armées alliées sont entrées à Sébastopol, la ville russe a un gouverneur français. Politiquement, il n’est point aussi facile d’apprécier encore de quel poids les événemens de Crimée pèseront dans la balance, quelle influence ils pourront avoir sur les combinaisons possibles des gouvernemens, sur l’issue de la crise actuelle. Ce n’est point la paix sans doute ; un des articles de la paix du moins, le plus disputé par la Russie, est aujourd’hui au bout de l’épée victorieuse de nos soldats.