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qu’il peut avoir dans quelques états du continent. Aucune mesure d’organisation ne transformerait à ce point les idées et les mœurs, et si l’on compare la marine à l’armée, on verra tout de suite de quel poids est dans la balance le génie national. Dans les dernières discussions, on a soutenu que l’organisation de la marine n’était pas irréprochable, et elle a encouru quelques-unes des critiques qu’on adresse à celle de l’armée. Cependant il n’y paraît guère; la marine n’est point en cause. Et pourquoi? C’est que l’esprit anglais est, pour ainsi parler, maritime. Les aventures, les travaux et les combats de mer sont l’éternel entretien du peuple. Il est poussé naturellement vers la mer, comme autrefois notre jeunesse vers les camps. Cette différence s’explique d’elle-même, et il ne serait pas sage de l’effacer. Outre qu’on n’y réussirait pas, il ne paraît pas qu’il y eût pour l’Angleterre grand profit ni grande sûreté à trop lutter contre le vieux préjugé national à l’endroit des armées permanentes. Les précautions constitutionnelles doivent demeurer tout entières, et depuis la guerre de la succession jusqu’à celle de la révolution, il me semble qu’elles n’ont point condamné l’Angleterre à la médiocrité.


V.

Le vrai champ de la réforme, c’est l’administration, le service civil, comme on l’appelle. Nous avons dit que là était la quatrième question posée au commencement de cette année. Si ce n’est la plus importante, c’est la plus discutée.

On a vu que M. Layard a eu l’honneur de déclarer le premier que l’administration était au-dessous de toutes les industries privées. M. Layard est, comme on sait, un grand voyageur, un explorateur habile des contrées archéologiques. Le monde savant lui doit en grande partie les monumens de Ninive et deux ouvrages d’un haut intérêt sur ces précieux débris d’un art et d’une civilisation longtemps inconnus. Il parle avec esprit et vivacité, mais peu de sûreté dans la pensée et dans l’expression. Quoique jeune encore (il n’a que trente-huit ans), il est peut-être entré un peu tard dans la chambre pour y jouer le rôle auquel il aspire. Du moins lui manque-t-il cette expérience du débat, cette connaissance des antécédens et des affaires qui donnent à l’esprit une vue claire et distincte du but qu’il veut atteindre. Ses discours ont quelque chose de confus et de hasardé, avec une certaine tendance à l’exagération. Pendant quelques années, une assez grande incertitude a enveloppé sa politique; on a pu croire qu’il s’entendrait avec certains ministères, et il a été un moment sous-secrétaire d’état avec les whigs. Il