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de 1812, comme on dit à Stockholm, celle à laquelle Bernadotte, allié des Russes, a attaché son nom, aurait donc seule sauvé la Suède et tout le nord scandinave; seule elle offrirait encore un refuge assuré.

Auquel croire entre des témoignages si différens? La politique des états ne peut, il est vrai, se décider par des considérations de sentiment contraires à leurs intérêts, mais se peut-il donc que les sympathies de toute une nation soient si opposées à ses intérêts véritables? La politique de 1812 a-t-elle à bon droit condamné la vieille alliance de la France avec la Suède ? L’a-t-elle anéantie sans retour, et le système qui a été imposé en 1812 aux Suédois engagerait-il et obligerait-il encore le roi Oscar, fils de Bernadotte? Toutes ces questions, l’opinion publique les agite aujourd’hui même en Suède à propos de la guerre d’Orient, et il n’est bruit dans Stockholm depuis quelques mois que de la politique de 1812. Il est vrai que l’attention générale a été fixée sur ce point en particulier (d’où le reste dépend) par une récente publication dont l’importance, exagérée peut-être par les organes de l’opposition dans la presse suédoise, s’est presque élevée à la hauteur d’un événement politique.

Le roi Charles-Jean avait laissé entre les mains d’un de ses aides de camp, le colonel Schinkel, une grande quantité de papiers, notes et documens, destinés à servir de base à une histoire de sa vie. Il y a des lacunes dans la suite de ces documens; mais ils ont été conservés et sont publiés aujourd’hui tels certainement qu’ils sont sortis des portefeuilles ou de la main même de Charles-Jean. L’éditeur, M. Bergman, gendre du colonel, les a réunis par un texte et les a fait, paraître dans les cinquième et sixième volumes de ses Souvenirs de l’Histoire contemporaine de la Suède. La thèse principale de M. Bergman, qu’il appuie de témoignages parfaitement authentiques, est de montrer qu’on n’a pas encore rendu pleine justice à son héros, que lui seul a tout fait en 1812 et 1813, et qu’on ne doit à aucun autre la délivrance de l’Europe. Ce livre est donc une apologie complète, pièces en main. M. Bergman a entendu rendre un hommage à Bernadotte, c’est incontestable. Si cet hommage a le mérite de l’à-propos, c’est ce qui paraît plus difficile à décider, et l’on comprend qu’en Suède la cour et la ville peuvent être sur ce point-là fort divisées. Qu’il nous soit permis toutefois de dire dès à présent que l’opposition suédoise nous semble avoir fait plus de découvertes qu’il n’y en avait à faire dans le volume récemment publié. Elle s’est beaucoup émue d’un certain pacte de famille signé entre Alexandre et Bernadotte au mois d’août 1812; elle a fait honneur à M. Bergman de cette prétendue révélation, et elle a proclamé que c’était là le secret, soit de la réaction absolutiste dont elle accuse le gouvernement, soit de la neutralité du cabinet de Stockholm; mais ce traité n’était-il